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mettantes ? Et voilà cependant ce qui a été fait souvent par une erreur singulière, qui a eu ses conséquences, dont les partisans du régime déchu n’ont pas manqué d’abuser.

L’élection de la Nièvre, qui a été le point de départ des derniers incidens, n’a point créé cette situation ; elle l’a révélée en mettant en quelque sorte aux prises l’impérialisme renaissant et les défiances profondes, passionnées, qu’il réveille. L’an dernier, l’élection de Paris était le coup le plus meurtrier que le radicalisme pût se porter à lui-même ; il ne s’en est pas relevé. Cette année, l’élection de la Nièvre pourrait être tout aussi bien le point d’arrêt dans cette recrudescence artificielle du bonapartisme. L’essentiel est de ne pas se méprendre sur les moyens de rendre vaines ces agitations plus bruyantes après tout que décisives, de ne pas se laisser aller à des violences de représailles, à des actes mal calculés, à des préoccupations fixes qui ne serviraient à rien, si ce n’est à se donner l’air de voir partout le fantôme redouté. Est-ce qu’on croit combattre l’empire d’une manière bien efficace par la brutalité du langage, par l’excès des déclamations ou par des attaques qui pourraient être considérées quelquefois comme peu sérieuses ? Qu’on cherche à dévoiler les manœuvres, les séductions, les captations clandestines de la propagande bonapartiste, soit : à la guerre ouverte, on peut répondre par la guerre, les menées occultes et illégales relèvent de la justice, dont on a le droit d’éveiller la vigilance ; mais franchement suffit-il de trouver au fond d’un wagon de chemin de fer un papier assez bizarre, avec l’inscription d’un comité de l’appel au peuple, pour mettre en mouvement une assemblée souveraine, pour adresser au gouvernement des interpellations solennelles sur une pièce dont on ne peut garantir l’authenticité, sur un comité dont l’existence reste douteuse ? Des comités, des circulaires occultes, eh ! qu’en ont-ils besoin, les bonapartistes ? Ils en disent assez tout haut et sans se gêner pour ne pas se donner la peine de distribuer des papiers secrets à propos de l’élection de la Nièvre ou de toute autre élection. Il faut une enquête, on fera une enquête, le gouvernement s’y est engagé ; mais ne voit-on pas que, si la justice ne découvrait rien ou si elle découvrait par hasard qu’il y a là quelque mystification, on s’exposerait tout simplement à servir la cause qu’on prétend combattre ? Et voilà cependant l’interpellation, l’incident qui a été l’occasion de cette scène où M. Gambetta s’est laissé emporter à une de ces violences de parole qui déconsidéreraient les débats parlementaires, si elles pouvaient entrer dans les habitudes d’une assemblée. M. Buffet a été obligé de déployer son autorité de président pour réprimer M. Gambetta, qui n’a fait qu’aggraver son tort d’une violence nouvelle, et la scène de Versailles, retentissant à Paris, est devenue à son tour l’occasion de ces tumultes de la gare Saint-Lazare, où il a fallu employer la police, même la force militaire, pour empêcher bonapartistes et radicaux d’en venir aux mains, où des députés eux-mêmes ont