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reconnaissant le caractère défectueux des opérations entreprises par l’état, avaient usé de la faculté qui leur était accordée dans la loi du 28 août 1791, et avaient fait exécuter dans leurs communes des arpentages et plans parcellaires. L’opinion publique réclamait énergiquement l’adoption de ce système, et le compte-rendu des finances de 1806 ne dissimulait pas qu’à cet égard les vœux des conseils-généraux étaient unanimes. A son retour de Tilsit en 1807, l’empereur se fit exposer les travaux du cadastre. Pénétrant avec sa merveilleuse lucidité les défauts de la méthode adoptée, il n’hésita pas à déclarer que l’on faisait fausse route. « Les demi-mesures, dit-il, font toujours perdre de l’argent et du temps ; le seul moyen de sortir d’embarras est de procéder sur-le-champ au dénombrement général des terres dans toutes les communes de l’empire, avec arpentage et évaluation de chaque parcelle de propriété. »

Le système du cadastre par masses de cultures fut abandonné à la fin de 1807, et l’exécution du cadastre parcellaire fut arrêtée en principe dans l’exposé des motifs de la loi de finances du 15 septembre 1807. Comme en 1791 cependant on prit le parti d’abandonner l’opération à l’initiative des communes, et de leur en faire supporter la dépense. Les préfets furent engagés de la façon la plus pressante à éclairer les conseils municipaux sur les avantages d’un travail qu’on espérait les voir entreprendre. L’illusion ne fut pas longue, et l’on put bientôt se convaincre qu’abandonnée à l’initiative locale la confection du cadastre resterait à l’état de projet.

En 1808, on se résolut à faire un pas décisif. Dérogeant à celle de 1791, la loi des finances autorisa l’addition à la contribution foncière d’un trentième destiné à faire face aux dépenses cadastrales. L’exécution du cadastre parcellaire allait entrer enfin dans une phase d’activité. Avant la fin de 1809, les travaux étaient en cours dans plus de 5,000 communes, et pendant quatre années ils furent poussés avec la plus grande activité. En 1813, 9,000 communes, comprenant près de 12 millions d’hectares, avaient été cadastrées.

Le gouvernement était impatient d’utiliser les résultats obtenus pour la répartition de l’impôt entre les circonscriptions territoriales. La loi du 20 mars 1813 ordonna qu’il serait fait une péréquation entre tous les cantons cadastrés du même département. Cette décision souleva tout d’abord de nombreuses réclamations. Malgré tous les soins qui avaient été pris, les évaluations de revenus se trouvaient inexactes ; la proportion de ces évaluations au revenu réel variait de commune à commune, et la vérité, toujours faussée, l’était dans une mesure extrêmement variable. En présence de ces inégalités, on renonça dès 1814 à persister dans la voie où l’on avait tenté de s’engager, et les cantons cadastrés reprirent pour 1815 les contingens qu’ils avaient eus en 1813.