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certaine espèce d’équilibre qui constitue proprement la combinaison chimique, et dans laquelle tous les élémens agissent comme autant de forces qui se neutralisent ; réciproquement ? Considérons maintenant les sciences que M. Magy appelle morphologiques, et parmi lesquelles il range la minéralogie, la botanique et la zoologie. La minéralogie n’est devenue une véritable science que par le moyen de la cristallographie, c’est-à-dire lorsqu’elle a pu définir chaque espèce minérale par sa forme cristalline, en d’autres termes géométrique, c’est-à-dire par la notion d’étendue, et la forme cristalline elle-même est le résultat de certaines forces chimiques qui, disposant les molécules suivant un plan, et comme d’après un rhythme déterminé selon chaque espèce, constituent Ainsi les familles chimiques analogues aux espèces de la botanique et de la zoologie. Quant à ces deux sciences, on sait qu’elles étudient d’une part la structure des organes par l’anatomie, et de l’autre les fonctions de ces organes par la physiologie. Or la structure est une détermination de l’étendue, et la fonction est une détermination de la force. De plus, indépendamment de la force ou des forces agissant dans chaque organe, la forme générale des corps vivans suppose une force générale qui la détermine, et de plus encore une force qui, transmettant cette forme d’individu en individu, sert à la conservation de l’espèce ; enfin, remontant jusqu’à l’origine de l’être vivant, la physiologie a encore besoin de l’idée de force pour comprendre l’apparition de la vitalité.

Dans les sciences anthropologiques, la notion d’étendue disparaît, et laisse subsister seule la notion de force. L’âme est-elle une force ? et est-elle distincte des autres forces qui lui sont associées, par exemple du dynamisme cérébral, sans lequel elle ne peut s’exercer ? Peut-être cette seconde question n’était-elle pas nécessaire à traiter en ce lieu : que l’âme soit une force simple ou composée, cela est indifférent, il semble, à la proposition fondamentale de l’auteur ; mais, nécessaire ou non, cette discussion n’en est pas moins l’occasion d’une belle et savante démonstration de la spiritualité de l’âme[1]. Pour établir d’abord que l’âme estime force, M. Magy se sert du fait de l’activité scientifique ; il montre tous les obstacles qui s’opposent à cette activité : les exigences de la vie sociale, les besoins du corps, les passions égoïstes, le défaut d’aptitude, les difficultés propres de la science, chacun de ces obstacles exigeant un effort particulier pour le vaincre ; ce ne sont là que des efforts préliminaires, mais dans le travail lui-même que d’efforts nouveaux !

  1. M. Magy lit en ce moment même à l’Académie des Sciences morales un mémoire sur l’Ame, où il reprend, en la développant, la démonstration de son livre.