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difformités, les poules portant la huppe refusent de couver. Ce n’est pas tout encore, nous avons les poules naines, très agréables d’aspect : la race bantam, que l’on attribue au goût et aux soins des Japonais, les poules frisées et les poules soyeuses, remarquables par une vilaine dégénérescence du plumage, puis les poules dont le croupion est avorté. Que tout cela ressemble donc peu aux particularités qui caractérisent les espèces !

Les races gallines que signalent les traits les plus frappans ou les anomalies les plus singulières : les races pures, selon le langage des amateurs, reviennent avec une étonnante facilité au type du gallus bankiva sauvage. Le fait a été souvent signalé ; avec raison, M. Darwin le cite comme une preuve de l’origine de nos oiseaux de basse-cour, et il ne semble pas s’apercevoir qu’une telle preuve est la condamnation de la croyance à la mutabilité des espèces. S’il fallait en ce moment une autre démonstration, elle nous serait aussitôt apportée par le célèbre naturaliste. On connaît à l’état sauvage, rappelle-t-il, plusieurs espèces de coqs ; mêlées à nos poules domestiques, elles donnent des produits, mais ces derniers demeurent stériles, affirment les expérimentateurs. Seul le coq bankiva, dans les mêmes circonstances, peut être l’ancêtre d’une interminable suite de générations[1].

Après les pigeons et les poules, les autres oiseaux domestiques fournissent l’occasion de constater la persistance des caractères primitifs ; moins martyrisés, ils offrent moins d’anomalies. Les canards, issus de l’espèce sauvage commune en Europe (anas boschas), ont peu changé, et parfois les volatiles mal apprivoisés, renonçant à la vie sédentaire sur une mare fangeuse, profitent du passage d’une troupe de l’espèce pour adopter la vie vagabonde. Captifs, les canards ont un peu gagné sous le rapport de la taille et perdu sensiblement de la beauté du plumage. Les variétés méritent à peine une mention ; ici c’est une difformité du bec, là des détails de coloration. L’oie, dont on porte loin les siècles de domesticité, est demeurée, au milieu de tous les champs de l’Europe, presque identique à son ancêtre sauvage. La pintade et le paon, qu’on élève dans les parcs, dans les jardins, dans les cours depuis l’époque des Grecs et des Romains, n’ont pas varié d’une manière appréciable malgré l’influence des climats. Chez la pintade, la teinte générale est un peu plus ou un peu moins intense ; chez le paon, les altérations des riches nuances, la tendance à l’albinisme, ne s’accusent que d’une façon accidentelle. Vraiment, après de telles expériences, il faut une foi aveugle pour se figurer que les animaux se transforment

  1. Il ne faut pas oublier qu’antérieurement aux écrits de M. Darwin Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a publié l’histoire de nos animaux domestiques : Acclimatation et domestication des animaux utiles, et Histoire générale des règnes organiques, t. III.