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la matière avec des forces ; l’âme aussi est pour lui une force, mais une force radicalement distincte des autres et d’un ordre supérieur.

C’est au même système d’idées que l’on doit rattacher la doctrine de l’animisme réveillée et rajeunie par M. Fr. Bouillier dans son livre du Principe vital, qui fit, il y a quelques années, un grand bruit dans le monde médical, et que l’auteur vient de publier de nouveau avec de notables développemens et éclaircissemens. Le même point de vue règne encore dans le vigoureux écrit de M. Caro sur le Matérialisme et la science, quoique l’auteur soit conduit par son sujet plutôt à rechercher la cause extrinsèque du mouvement premier de la matière que la cause immanente de ses mouvemens actuels : c’était en effet sa dépendance plus que sa spontanéité qu’il s’agissait d’établir. Je ne doute pas non plus que M. E. Bersot ne fût prêt à se rallier à ce point de vue, s’il prenait parti pour un système de philosophie naturelle, au lieu de professer à cet égard, comme il le fait dans sa Libre Philosophie, un esprit de doute et de circonspection, à coup sûr très légitime, mais peut-être un peu excessif. Enfin, parmi les travaux qui ont contribué à cette renaissance du leibnizianisme en France, il est impossible d’oublier les savantes œuvres de M. Nourrisson, de M. Foucher de Careil sur la philosophie de Leibniz, suscitées et couronnées l’une et l’autre par l’Académie des Sciences morales[1]. Sans insister plus longtemps d’ailleurs sur un historique que l’on pourrait facilement développer, essayons de faire connaître les idées qui forment le fond de la philosophie dynamiste, en nous appuyant principalement sur le livre de M. Magy et en y ajoutant nos propres réflexions.


I

L’objet de M. Magy, dans son livre de la Science et de la Nature, n’est rien moins que de constituer la philosophie première, c’est-à-dire de déterminer les idées fondamentales qui sont à la fois et les principes de la connaissance et les principes de la nature. Or ces idées se ramènent, suivant lui, à deux essentielles, dont toutes les autres ne sont que des applications médiates ou immédiates. Ces deux idées sont l’étendue et la force. Toutes les sciences humaines, de près ou de loin, ont pour objet et n’ont pour objet que ces deux seules idées. Il y a six classes de sciences : ce sont les sciences mathématiques, les sciences physico-chimiques, les sciences

  1. Nous sera-t-il permis, pour ne rien omettre dans cette revue sommaire, de nous citer nous-même, et de rappeler que, dans notre Introduction aux Œuvres de Leibniz (Paris 1866), nous avons aussi défendu le principe dynamiste contre le mécanisme cartésien ?