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quantité des édifices religieux est en proportion de la piété des ancêtres et non de la population vivante. On a posé en principe que chaque paroisse devait avoir environ un millier d’âmes, toujours sans compter les femmes, selon le système mis en usage par le servage. On calcule que chaque âme mâle pourrait être assujettie à donner au pope 1 rouble, ce qui lui ferait un revenu de 1,000 roubles (4,000 fr.), Dans un état où des contrées ne comptant que 35 habitans par kilomètre carré figurent parmi les régions les plus peuplées, des paroisses de 2,000 âmes seront toujours bien vastes. Que serait-ce des provinces du nord ou de l’est, où certaines paroisses dépassent en étendue nombre de diocèses d’Italie ou d’Orient ! Aujourd’hui déjà les paroisses russes sont en général formées de plusieurs villages souvent fort éloignés les uns des autres. La religion et l’état ont intérêt à ne point laisser le paysan à trop de distance de son église. L’élargissement démesuré des paroisses rurales mettrait le culte officiel hors de la portée d’une partie du peuple ; par là même, il tournerait au profit du raskol, au profit surtout des sectes qui se passent de prêtres, des bezpopovtsi.

La réduction du clergé revêtu du sacerdoce présente les mêmes inconvéniens que la réduction des paroisses. L’empire ne compte point 40,000 prêtres orthodoxes : pour un tel territoire ou même pour une telle population, ce n’est point trop. C’est sur les clercs inférieurs, sur les diacres, surtout sur les chantres et les sacristains, que peut porter la réduction. Ces serviteurs ecclésiastiques forment aujourd’hui la masse de la classe sacerdotale ; ils en sont la portion la plus ignorante et la moins morale. Par leurs vices ou leur misère, ils avilissent tout le clergé dont ils sont membres, et, tout en demeurant individuellement dans la pauvreté, ils sont pour l’église et le pays une lourde charge. Le plus simple serait de supprimer ces rangs inférieurs du clergé, et, comme dans l’église latine, de prendre pour chantres ou sacristains des laïques vivant d’un autre métier. Le respect des habitudes religieuses et les préventions populaires ont fait préférer un terme moyen : au lieu d’être licencié, le personnel des serviteurs d’églises sera réduit ; dans certains gouvernemens, la réduction a déjà porté sur des centaines de clercs. Ceux qui sont conservés verront s’ouvrir devant eux une double carrière. Ils seront employés à l’instruction populaire, l’école leur offrira des fonctions et des ressources nouvelles ; en même temps, au lieu d’être pour toujours attachés à des postes infimes, ils pourront s’élever au diaconat, même à la prêtrise. En facilitant à ces parias du sanctuaire l’accès des degrés de la hiérarchie, la réforme exige d’eux l’achèvement de leurs études. Ces humbles emplois, ayant cessé d’être l’asile de