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particulièrement à l’entretien des écoles et du clergé. Le pope doit chercher ses ressources ailleurs. Il ne peut guère compter parmi elles les honoraires de ses messes ; on en dit bien pour les morts, surtout aux anniversaires funèbres, mais l’usage n’est point d’en multiplier la répétition. Les dispenses de jeûne et de carême ne sont non plus d’aucun secours pécuniaire pour le diocèse ou les paroisses. L’orthodoxie orientale a quatre carêmes ; pour aucun, elle ne donne de dispenses, chacun les observe suivant sa conscience ; au jeûne, elle ne substitue point l’aumône. L’église gréco-russe a d’autres sources de revenus. Obligée de faire vivre de l’autel un clergé pourvu de famille, on comprend qu’elle en soit arrivée à faire argent de tout, et qu’aucune de ses cérémonies, aucun de ses sacremens ne soit gratuit. Tout se paie, la confession comme le baptême, la communion comme le mariage. Dans les campagnes, on donne peu de chose : pour les principales cérémonies, à peine quelques francs ; pour les plus petites et les plus fréquentes, parfois un kopek (4 centimes). La multiplicité de ces redevances peut seule dédommager le clergé du faible produit qu’il en retire ; aussi n’en néglige-t-il aucune. Il tend à se transformer en agent financier, en collecteur d’impôts. Tout se paie, et rien n’a de tarif ; les préventions du peuple s’opposent à la tarification des choses sacrées. La misère besoigneuse du pope doit souvent le disputer à l’avare pauvreté du mougik. Pour une cérémonie, un mariage ou un enterrement, on négocie parfois, on marchande comme on ne marchande plus qu’en Russie. On a vu, dit-on, des fiancés venir à l’église et s’en retourner sans être mariés pour n’avoir pu se mettre d’accord sur le prix avec le curé. On a vu des paysans enterrer clandestinement des parens pour échapper aux exigences du prêtre. De telles habitudes ont fait accuser l’église orthodoxe de simonie. Le reproche serait plus juste en Turquie, où les hautes dignités ecclésiastiques s’achètent de la Porte ou des pachas, et où le clergé est obligé de rançonner les fidèles pour payer ses maîtres musulmans. En Russie, il n’y a rien de pareil, le troupeau n’est mis à contribution que pour l’entretien du pasteur. Le clergé, qui vit des offrandes de ses paroissiens, ne peut leur faire remise d’aucune des redevances qui sont l’unique pain de ses enfans ; il ne reconnaît point aux indifférens ou aux dissidens la liberté de se soustraire aux taxes de l’église, ce serait frustrer ses ministres ou accroître les charges des paroissiens fidèles. S’il ne veut profiter des cérémonies orthodoxes, le raskolnik en doit au prêtre la rançon. De là ces compromis pécuniaires entre les curés et les sectaires de leurs paroisses. Le clergé lève les droits qui lui reviennent sans tenir compte des opinions de ceux qui les lui doivent, à peu près comme en d’autres pays l’état fait contribuer aux