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musulman. Toutes ces écoles sont, comme l’église elle-même, fortement centralisées ; à leur tête est la direction centrale de l’instruction ecclésiastique, administration dépendante du synode et de son haut procureur. Dans son séminaire, comme dans son consistoire, l’évêque est sous la surveillance de l’autorité synodale, et le clergé sous la tutelle de l’état.

L’enseignement des séminaires russes n’est point ce qu’on se figure à l’étranger. En peu de pays, les connaissances demandées au clergé sont aussi variées : c’est le slavon liturgique, puis le latin et le grec, puis les élémens de l’hébreu, sans lequel il ne peut y avoir d’exégèse biblique. L’élève n’est point borné aux langues anciennes et aux lettres sacrées : une langue vivante, le français ou l’allemand à son choix, doit lui ouvrir l’accès du monde moderne et les sources des cultes dissidens. Dans ces programmes, les lettres ne font pas tort aux sciences, ni les études théoriques aux études pratiques. A la géométrie, à l’algèbre, à la physique, s’ajoute pour le futur curé un peu de botanique, d’économie rurale et parfois même de médecine. Le tout est couronné par l’histoire, la philosophie, la théologie, dont chaque branche a son enseignement spécial. Il serait difficile de concevoir pour des ecclésiastiques un plus large système d’enseignement. L’inconvénient est, comme dans toutes nos écoles modernes, que les matières enseignées se pressent dans un temps trop limité, en sorte que l’ampleur des études prend trop sur leur profondeur. Un vice plus funeste, qui malheureusement n’est pas non plus propre aux séminaires russes, c’est l’imperfection des méthodes, la routine et l’emploi de livres ou d’auteurs surannés, c’est l’isolement du monde extérieur, de la marche des sciences et des idées ; c’est par-dessus tout l’absence d’esprit critique, d’esprit scientifique. Fondées aux deux derniers siècles à l’imitation de celles de l’Occident, les écoles ecclésiastiques russes ont en élargissant leurs programmes gardé bien des défauts de leurs modèles. La Russie y ajoute les siens, la rareté et le peu de science des professeurs, l’instabilité du professorat. Dans le personnel enseignant des séminaires et des académies, les laïques et les prêtres séculiers se mêlent aujourd’hui aux moines. Malheureusement pour la plupart, pour les plus distingués surtout, l’enseignement est moins une profession que le premier échelon d’une autre carrière. Souvent ces places sont occupées par des jeunes gens qui passent presque subitement du banc de l’élève à la chaire du maître, sauf à bientôt quitter celle-ci pour de plus hautes ou plus lucratives fonctions civiles ou ecclésiastiques. Avec toutes ses lacunes, l’instruction offerte dans les séminaires et les académies a l’avantage en même temps que l’inconvénient d’être moins spéciale, moins