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Mesdames causa en France leur fuite furtive de Bellevue dans la nuit du 19 février 1791, et les hideuses scènes de désordre qui suivirent, l’agitation des sections de Paris, la lettre du roi à l’assemblée touchant le voyage de ses tantes, le soulèvement des populations sur leur passage, leur arrestation à Moret, puis à Arnay-le-Duc, le décret de l’assemblée qui leur permit d’aller, comme à toute « citoyenne, » où bon leur semblait, étendraient outre mesure les limites de cette étude purement psychologique. Tous ces faits appartiennent bien plus à l’histoire de la révolution française qu’à celle des filles de Louis XV ; ils sont trop généraux, partant trop vagues, et n’apporteraient aucune lumière sur le caractère des princesses. Il faut en dire autant de deux derniers écrits, qui nous fourniraient quelques renseignemens, d’ailleurs dénués de toute critique[1], sur le séjour de Mesdames à Rome, et sur leur nouvelle fuite devant l’envahissement de l’Italie entière par les armées et les idées de la révolution, à Albano, à Caserte, dans le royaume de Naples, à Monfredonia, dans tout le sud de la péninsule ; elles s’embarquèrent à> Brindisi sur une frégate russe qui les conduisit à Corfou, puis à Trieste (19 mai 1799).

Les princesses avaient beaucoup souffert pendant cette lamentable odyssée, Victoire surtout ; elle périssait du même mal que Sophie, éprouvait de continuelles nausées, sentait venir l’angoisse suprême. Dix-huit jours après être arrivée à Trieste, elle s’éteignit doucement, ainsi qu’elle avait vécu, sans colère ni rancœur. Au milieu de sa petite cour d’évêques, de prêtres, de dames et de vieux gentilshommes qui l’avaient suivie jusqu’au fond de l’Adriatique, Adélaïde demeurait seule debout comme une statue voilée sur un sépulcre. Dure et hautaine dans le palais de Louis XIV, possédée du sombre esprit des voyans au château de Bellevue, l’exil, l’anxiété douloureuse, le désespoir, la haine, l’avaient rendue farouche. Elle passa huit mois encore sur la terre après Victoire, puis elle disparut ; on ne sait rien de sa mort qu’une date : 18. fermier 1800.


JULES SOURY.

  1. Mémoires historiques de Mesdames Adélaïde et Victoire de France, nouvelle édition, par M*** T***, Paris an XI (1803), 2 vol. — Relation du voyage de Mesdames tantes du roi de Caserte à Trieste, par le comte de Chastellux, Paris 1816.