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l’altération et la corruption des eaux sont donc liées à la présence ou à l’absence de l’oxygène dissous, et la proportion de ce gaz que les eaux renferment doit donner la mesure exacte de leurs qualités hygiéniques.

Le dosage de l’oxygène par les procédés qui étaient en usage jusqu’à présent est une opération difficile et compliquée, inapplicable à des liquides qui s’altèrent rapidement et ne peuvent se conserver en vases clos. Il fallait trouver un réactif qui permît de faire ce dosage instantanément à l’aide d’une liqueur titrée. M. Gérardin a reconnu que cette condition est remplie par l’hydrosulfite de soude, dont on doit la découverte à M. Schützenberger. On obtient le dosage de l’oxygène par la quantité de liqueur titrée qui amène la décoloration de l’eau, légèrement teintée par le bleu d’aniline. M. Gérardin s’est trouvé ainsi en possession de trois méthodes pour apprécier le degré d’infection des eaux : l’observation des herbes vertes et des mollusques, — l’examen microscopique des algues et des infusoires, — le dosage de l’oxygène dissous. Pour en constater l’accord, il en a fait l’application à la rivière de Vesle, de Reims à Braisne, en 1873. A mesure que l’eau de cette rivière est souillée par tes déjections des usines et des villes, on voit en effet disparaître à la fois les êtres vivans et diminuer l’oxygène, qui en amont de Reims, au mois d’avril, s’élevait à 11 cent. cubes par litre, pour descendre à moins de 1 cent, cube à Saint-Brice, et revenir à la proportion normale un peu avant Braisne.

Il paraît donc prouvé que les matières organiques en décomposition privent l’eau de l’oxygène, et y rendent ainsi la vie impossible à des êtres doués d’une organisation supérieure. Elles réduisent les sulfates, les transforment en sulfures, et sont la cause des émanations d’hydrogène sulfuré. Si, au lieu d’abandonner les eaux industrielles à la fermentation putride dans des fosses de décantation, on les divisait pour les aérer sur une large surface, les matières organiques s’oxyderaient à saturation, et l’on pourrait ensuite sans danger faire écouler ces eaux à la rivière. C’est ainsi qu’autrefois les pêcheurs des Vosges transportaient les truites vivantes par toute la France dans des caisses dont l’eau était sans cesse battue par une roue à palettes que faisait mouvoir une corde enroulée sur l’axe d’une des roues de la voiture. Par l’agitation à l’air, l’eau reprend facilement de l’oxygène.

Pour assainir les eaux industrielles, M. Gérardin recommande donc de les répandre sur un terrain préalablement drainé ? Répandre les eaux sur la terre ne suffit pas quand l’espace manque. Une féculerie de Colombes dirige ses eaux sur une prairie où elles s’infiltrent dans un sol sableux ; elles y brûlent le gazon et font périr les arbres qu’elles atteignent par accident. De plus le sol est bientôt étanche, et il faut souvent changer le lieu d’absorption ; les eaux cheminent dans la terre et vont corrompre des puits éloignés, ce qui prouve qu’elles ne s’améliorent pas dans leur trajet souterrain. Il est donc indispensable de compléter