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Les plantes aquatiques sont aussi des réactifs pour les qualités de l’eau ; mais des réactifs d’une sensibilité très inégale. La plus délicate paraît être le cresson de fontaine, dont la présence caractérise les eaux excellentes. Il y a quelques années, une féculerie établie à Louvres ayant laissé écouler ses eaux dans le Croult, en amont des cressonnières de Gonesse, en quelques heures tout le Cresson périt ; il s’ensuivit un procès, et le tribunal défendit que l’eau de féculerie fût envoyée à la rivière. les cressonnières ne tardèrent pas à refleurir. Les épis d’eau et les véroniques ne poussent également que dans les eaux de bonne qualité ; les roseaux, les patiences, les menthes, les joncs, les nénufars, s’accommodent des eaux médiocres ; les carex sont encore moins sensibles ; enfin la plus robuste des plantes aquatiques serait, d’après M. Gérardin, une espèce de roseau, l’arundo phragmites, qui résiste dans les eaux les plus infectes. Parmi les mollusques, la physa fontinalis ne vit que dans des eaux très pures, la valvata piscinalis dans les eaux saines, tandis que d’autres supportent les eaux médiocres ; aucun mollusque ne vit dans les eaux entièrement corrompues. Les végétaux phanérogames et les mollusques esquissent ainsi à grands traits les caractères des différentes eaux ; mais les infusoires et les cryptogames, et en particulier les algues, peuvent aussi servir à les juger par les modifications que leur fait subir l’altération de l’eau. Ces organismes inférieurs survivent après la disparition des poissons, des mollusques et des herbes vertes.

Quand l’altération de l’eau fait des progrès, la rivière perd sa limpidité, l’eau devient opaline, et cette couleur grise résiste à la filtration. La surface se couvre d’écumes, et l’eau dépose une vase noire, fétide, d’où se dégagent des bulles de gaz. Bientôt apparaissent les sulfures ; surtout l’hydrogène sulfuré, et les émanations de la rivière noircissent l’argenterie et la batterie de cuisine qui y sont exposées. Dans ces conditions, l’eau a un goût très désagréable et détermine des tranchées, quelquefois de véritables symptômes d’empoisonnement. A Gonesse, en 1860, un enfant tomba dans une fosse remplie d’eau de fabrique ; on le retira aussitôt et dans les premiers momens son état n’inspira aucune inquiétude, mais le lendemain il était mort. Un ouvrier de Stains, qui tomba dans le Rouillon et réussit à sortir de l’eau, succomba quelques heures plus tard.

L’analyse chimique et l’épreuve hydrotimétrique, appliquées au Croult et à ses affluens, attestent la présence d’une quantité notable de matières organiques, mais il en est de même pour les puits artésiens de Saint-Denis, et pourtant ces puits sont beaucoup moins insalubres. C’est à l’examen microscopique des boues qui couvrent le lit de ces rivières que M. Gérardin demanda des informations plus sûres. Lorsqu’il commença ses observations au mois de septembre 1868, la campagne des féculeries et des sucreries venait de s’ouvrir. Le Croult était couvert d’écumes blanches, persistantes ; l’eau, blanchâtre, avait un goût de