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cussion sur les haras où M. Bocher s’est fait remarquer une fois de plus par la lucidité de sa parole. Le gouvernement n’est même pas intervenu dans un débat qui s’est renouvelé hier encore pour fixer l’ordre du jour. C’était le conflit renaissant entre la loi électorale et la loi municipale, et cette fois encore les chevau-légers, les bonapartistes, la gauche, ont marché ensemble, la loi municipale a gardé la priorité ; la loi électorale a été évincée ou ajournée, mais le ministère n’a point été battu, puisqu’il n’a rien dit. Il a laissé se quereller M. Raudot et M. Bethmont, M. Béranger et. M. Depeyre, qui a décidément sur le cœur d’avoir quitté la chancellerie. C’est qu’en effet les hommes qui sont au gouvernement ne peuvent s’y méprendre. Ils dirigent les affaires, ils les dirigeront dans le sens conservateur, cela n’est point douteux. Quant à une politique d’initiative et d’action, ils sentent bien qu’après la difficulté de se mettre d’accord ils auraient à vaincre cette autre difficulté de rallier une majorité. C’est un cabinet d’affaires, disions-nous, c’est évidemment aussi un cabinet de transition. Combien de temps durera-t-elle, cette transition ? Voilà justement la question qui s’impose désormais à toutes les opinions modérées, conservatrices et libérales de l’assemblée ; s’il est une circonstance de nature à les éclairer, c’est un incident comme cette élection de la Nièvre, signe nouveau de ce travail du bonapartisme, dont les combinaisons de la politique ont malheureusement favorisé les progrès, depuis un an. Au lieu de se livrer à toutes les subtilités de discussion sur le septennat, de s’épuiser en divisions intestines, mieux vaudrait assurément réunir toutes les forces pour ramener au sentiment de son impuissance l’ennemi qui seul profite des fautes des autres partis. Le meilleur moyen de combattre le bonapartisme, et il le sent bien, c’est de lui enlever la chance des surprises, de fixer le pays, de donner à la France ces sept années de paix qui peuvent être la préparation salutaire à une organisation définitive.

Au moment où se nouent et se dénouent ces crises intérieures en France, l’empereur Alexandre II vient de visiter l’Angleterre, où il a été reçu avec cette large hospitalité que les Anglais aiment à offrir aux voyageurs couronnés. Le tsar a trouvé l’occasion de dire un mot en faveur de la paix de l’Europe, et c’est là sûrement une parole qui ne peut rencontrer que de la sympathie en France. Les journaux allemands, qui ont la plaisanterie lourde, s’amusent de nouveau depuis quelques jours à rassembler des nuages et à nous représenter comme tout prêts à nous jeter sur la Belgique. Les journaux allemands ont sans doute pour parler ainsi leurs raisons que nous ne cherchons pas à pénétrer. Ils persuaderont difficilement à la Belgique qu’elle est menacée par la France, et ils ne réveilleront pas chez nous la moindre idée de répondre à leurs excitations. Ce qu’il y a pourtant d’étrange, c’est que pendant qu’on se plaît à représenter la France comme prête à dévorer la Belgique, un envoyé de Berlin paraît être arrivé à Madrid, et voilà qu’on