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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1874.

C’était inévitable. La lutte devait éclater, elle a peut-être devancé les prévisions de ceux qui voyaient se former l’orage, et huit jours durant le pays vient d’assister à une de ces crises qui ne décident pas seulement de l’existence d’un ministère, qui mettent en quelque sorte à nu le fond des choses, la gravité, les contradictions, les périls, les impossibilités d’une situation ; Par une coïncidence singulière, cette crise a éclaté juste aux approches du 24 mai, un peu moins d’une année après cette journée de 1873 où des groupes conservateurs aux tendances diverses, mais coalisés pour la circonstance et habilement conduits au combat, livraient l’assaut au gouvernement de M. Thiers.

À pareille époque, il y a un an, des vacances parlementaires venaient de finir comme aujourd’hui. Les esprits étaient violemment surexcités par les élections de Paris et de Lyon. Les députés arrivaient de leurs provinces pleins d’ardeurs belliqueuses. Il y a un an, comme aujourd’hui, il s’agissait de savoir si l’on resterait dans un provisoire indéfini dont profiteraient les partis extrêmes pu si l’on se résignerait par raison, par sagesse, à organiser, le régime sous lequel on vivait. Le gouvernement qui existait alors, qui achevait la délivrance du territoire, qui n’avait rien négligé pour la pacification du pays après la défaite de la commune, pour la réorganisation de l’armée, des finances, et qui préparait, pour en finir avec toutes les incertitudes, des lois constitutionnelles sérieusement méditées, ce gouvernement était accusé de n’avoir que des majorités de hasard, de déserter les intérêts conservateurs et l’ordre moral, de se faire le complaisant, « le protégé » du radicalisme. « Quelle situation étrange et sans issue ! s’écriait M. le duc de Broglie en s’adressant au gouvernement de M. Thiers, Dépendre, pour son existence journalière, du bon plaisir des radicaux, et en même temps proposer des lois contre lesquelles le parti radical proteste ! » M. le duc de Broglie parlait ainsi, plaignant fort le gouvernement, et