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dut revenir en hâte, et trouva les portes de la ville fermées. Les bourgeois pourtant prirent peur et voulurent négocier. A mesure que leurs députés arrivaient près de Simon, celui-ci les faisait arrêter, et, profitant de cette heure de trêve, ses hommes d’armes pénétraient dans la ville. Les Toulousains désespérés élevèrent en hâte des barricades et livrèrent trois batailles de rues, « non comme gens raisonnables, mais comme fous enragés. » Enfin, comme deux quartiers étaient déjà consumés par les flammes, ils se rendirent à condition qu’on épargnerait leur vie et leurs biens. Montfort promit tout et ne tint rien. Il fit emprisonner tous les notables et en fit périr un grand nombre, puis il marcha contre le comte de Foix ; mais, le lendemain même de son départ, Toulouse s’insurgea de nouveau, le vieux Raymond rentra dans sa capitale aux acclamations des habitans, et l’insurrection, un moment découragée, se propagea dans toute la contrée. Simon recommença le siège de Toulouse, s’acharna pendant neuf mois devant ses murs, et finit par mourir d’un coup de pierre que lui lança une femme (1217).

Le ciel semblait de nouveau favorable à la cause albigeoise. Amaury de Montfort, digne fils de son père, héritier de son titre et de ses prétentions, général presque sans armée et comte sans terre, ne parvenait pas même à décider le roi de France à se déclarer son suzerain. La mort d’Innocent III, le peu de sympathie que rencontra la nouvelle croisade promulguée par Honorius III, le retour dans leurs domaines des princes dépossédés, tout encourageait l’hérésie à relever la tête. Elle refleurissait plus touffue, plus foisonnante que jamais. On vit de nouveau les évêques cathares, assistés de leurs diacres, parcourir les villes et les campagnes, présider des assemblées nombreuses, administrer le consolamentum aux malades et aux pénitens. La secte que l’on croyait avoir anéantie défiait de nouveau ses adversaires et se fortifiait de la haine patriotique allumée contre les barbares du nord, contre les Romieus, qui, la croix à la main, avaient porté partout la ruine et le carnage.

Sur ces entrefaites, le vieux Raymond, le comte de Foix et Philippe-Auguste moururent à peu d’intervalle l’un de l’autre (1222-1223), et une nouvelle génération de princes vint présider aux destinées de l’Occident chrétien. Ce furent, pour ce qui touche à notre histoire, le roi Louis VIII à Paris, Raymond VII à Toulouse, Roger-Bernard à Foix, Raymond Trancabel, le jeune fils de l’héroïque défenseur de Béziers, ramené dans le château de ses pères. C’est à ce moment de réaction albigeoise que commence le récit de M. Peyrat.

Nous avons quelques reproches à lui adresser. Que, descendant lui-même des vieux albigeois, il ne se soit pas borné à recueillir avec un soin pieux les vénérables reliques de ses ancêtres martyrs, que plus d’une fois l’indignation contre leurs bourreaux ait donné