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ressaisir complètement son ancien privilège. Le Dauphiné continua, durant tout le xvie siècle, à députer en corps, mais le Languedoc accepta les assemblées de sénéchaussées ; il prit, il est vrai, une double garantie qui donnait un caractère spécial à ses élections : un syndic élu par les états assistait à l’assemblée nationale pour y veiller aux intérêts généraux de la province. En outre à aucune époque, même au xvie siècle, le Languedoc ne laissa périr l’ancien accord entre les ordres, qui avait donné après la mort de Louis XI l’assemblée la plus unie qu’ait connue notre histoire. Dans les sénéchaussées du Languedoc, les délégués élus dans les villages s’assemblaient au chef-lieu du diocèse. Sous la présidence de l’évêque, les ecclésiastiques et les nobles se réunissaient au tiers-état, représenté par les consuls des villes principales et par les députés des divers consulats. C’est là que les trois ordres désignaient en commun leurs délégués. Ceux-ci se rendaient à l’appel du sénéchal à Toulouse ou à Carcassonne, où les députés étaient élus par l’ensemble des assistans confondus sans distinction d’origine. Les ordres ne se séparaient que pour la rédaction des cahiers, qui étaient dressés par des commissaires.

À l’autre extrémité de la France se retrouvait le même usage : c’était, au nord, le seul exemple d’élections faites en commun. À Troyes, par une tradition que nous devons rattacher au souvenir des états de Champagne, l’assemblée préparatoire, aussi bien que l’assemblée de bailliage, comprenait les trois ordres, et les délégués ainsi que les députés étaient désignés par l’ensemble des électeurs, qui écrivaient sur le même bulletin les noms des ecclésiastiques, des nobles et des membres du tiers-état qu’ils entendaient élire.

La forme suivie pour l’élection variait suivant les états provinciaux. Tantôt les députés étaient élus par chacun des ordres délibérant et votant séparément, tantôt ils étaient choisis par les trois ordres réunis en commun. Par ce dernier mode d’élection, les états obtenaient des députés moins dociles aux passions exclusives de leur ordre et plus animés de l’esprit général de la province. Cet attachement aux privilèges locaux, cette sorte de fierté provinciale est très sensible dans les rapports des états particuliers avec l’assemblée des états-généraux. Nous en avons trouvé plus d’un témoignage dans la matière qui nous occupe, mais celui que nous offre la Bretagne n’est pas le moins digne d’être cité. Plus attachée qu’aucune autre partie du royaume aux vestiges de son indépendance, et trouvant dans la tenue régulière de ses états la meilleure garantie du maintien de son administration locale, la Bretagne s’inquiétait peu de jouer un rôle aux états-généraux, et d’exercer sur le gouvernement de la France une influence qui n’eût été pour elle d’aucun profit. Elle envoyait aux états moins des mandataires que