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à Beaune pour entendre le rapport du théologien Jean de Cirey, abbé de Cîteaux, envoyé auprès d’Anne de Beaujeu pour réclamer du nouveau roi une confirmation des anciennes coutumes. L’ambassadeur insiste dans son récit sur la nécessité de défendre les privilèges de la province dans la prochaine assemblée des états-généraux. Rappelant que la réunion était prochaine, et que tous les baillis du duché avaient reçu du roi l’ordre de faire choisir les députés par bailliage, il demanda s’il n’était pas préférable d’élire les députés dans l’assemblée des états et si l’unité du mandat ne donnerait pas aux représentans de la province plus de force pour résister à la pression des conseillers du prince. Cette proposition fut votée à l’unanimité, et on procéda sur-le-champ au choix des députés. Rien n’indique un vote séparé des trois ordres. L’abbé de Cîteaux rapporte, dans la relation encore inédite d’où nous tirons ces détails[1], qu’il fut élu, non-seulement par les ecclésiastiques, mais par tous les assistans. Ainsi dès la fin du xve siècle nous sommes certains par ce témoignage que le besoin d’assurer une plus grande autorité aux députés avait conduit les provinces qui possédaient des états à ne pas renvoyer aux bailliages le choix de leurs mandataires, comme l’aurait souhaité le pouvoir royal.

Ce que la Bourgogne faisait quelques années à peine après sa réunion, le Languedoc le pratiquait depuis de longues années. Sous Charles VII, lorsque le petit roi de Bourges errait en quête de soldats et d’argent, les états du Languedoc, assemblés à Carcassonne, choisissaient les députés qui devaient porter au roi les généreux témoignages du dévoûment de la province à l’unité nationale (21 septembre 1425). Trois ans plus tard, c’est également dans l’assemblée de Béziers que les états du Languedoc (1428) choisirent les députés qui devaient se rendre à Chinon et voter dans un admirable élan de patriotisme les secours qui allaient contribuer matériellement au salut de la France par la délivrance d’Orléans.

De tels exemples nous suffisent : au xve siècle, les plus vieilles provinces comme les plus nouvellement réunies à la couronne, quand elles possédaient des états, choisissaient leurs députés dans le sein de ces assemblées. Cet usage, qui s’appuyait sur une si ancienne tradition, suivit la destinée des états particuliers. Il survécut dans les pays où le patriotisme provincial avait maintenu les états contre les efforts de la royauté. Il s’affaiblit ou s’effaça dans les provinces qui tenaient irrégulièrement les sessions ou qui craignaient d’entrer en lutte avec le pouvoir central. La Bourgogne, dont nous venons de remarquer la fermeté, obéit en 1560, et, si elle députa en 1576 au nom de la province, elle ne réussit point à

  1. Manuscrit de la Bibliothèque nationale. F. franc. no 16,248.