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et arrêter le cahier de doléances. Souvent, dès le premier dimanche, aussitôt après que l’avis avait été donné, les habitans choisissaient un ou deux députés chargés de se rendre à la ville, puis ils s’ajournaient à huit jours pour préparer et voter les remontrances. Pendant cet intervalle, les députés, assistés des notables du lieu, recueillaient les vœux et rédigeaient le cahier, puis le dimanche suivant lecture en était faite devant l’assemblée, qui en approuvait les termes. Les députés, auxquels se joignait souvent le juge, étaient libres alors de quitter le village pour se rendre à l’assemblée supérieure. La procuration dont ils étaient porteurs était rédigée sous forme authentique et contenait à la fois « pouvoir et puissance de représenter les plaintes, doléances, remontrances et autres qu’ils aviseront être à faire par raison, et même de élire telles personnes suffisantes et capables avec les autres paroisses. » Plusieurs cahiers de villages ont été conservés ; on en retrouve chaque jour de nouveaux. Ces compilations mériteraient d’être publiées, et, malgré leur humble origine, elles seraient souvent consultées avec grand profit pour l’histoire des mœurs et des idées dans le sein des classes agricoles.

Tel était dans son ensemble, et sans tenir compte des différences de détail, le travail accompli dans chaque paroisse de France pour rechercher les vœux et découvrir les mandataires les plus capables de les faire prévaloir. Suivons maintenant ces députés à la ville voisine. Ils vont rencontrer, au jour fixé par le lieutenant particulier, tous les délégués des paroisses du ressort. Ils trouvent en même temps les représentans de la ville, le plus souvent le procureur-syndic, le maire, les échevins et quelques notables. Réunis dans l’auditoire du juge et sous sa présidence, ils lui remettent les cahiers dont ils sont porteurs, entendent les remontrances des gens de la ville, puis ils choisissent entre eux une commission de six ou huit membres chargés de compiler et de fondre en un seul cahier toutes les doléances locales. Enfin l’assemblée se réunit de nouveau, elle entend la lecture du cahier, le modifie et l’arrête, puis elle désigne ceux qui seront chargés de le porter à la grande assemblée de bailliage.

Jusqu’ici nous avons vu les opérations préliminaires se poursuivre dans les villages et dans les plus petites villes. Dans les villes importantes, le choix des électeurs et la rédaction du cahier étaient soumis à des formes plus compliquées. C’était généralement le corps de ville qui prenait en main la direction de ce travail : tantôt le maire et les échevins convoquaient directement un certain nombre de bourgeois, tantôt les paroisses elles-mêmes députaient des représentans, ainsi que les communautés de métiers ; plusieurs réunions étaient consacrées à recueillir les doléances dont le conseil de ville avait réclamé l’envoi ; une commission était chargée de rédiger l’ensemble des remontrances, et, quand ce travail était