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un étranger au diocèse, un jurisconsulte ou tout autre laïque. Ce serait cependant une grave erreur de croire que, pendant la première moitié du XIVe siècle, les membres du clergé siégeaient tous dans les assemblées en vertu d’une véritable élection. Un grand nombre de prélats, traités comme les grands vassaux, recevaient du roi des lettres de convocation personnelle. Les évêques ainsi appelés avaient la faculté de se substituer un procureur qui se rendait aux états en leur lieu et place, faculté dont ils usaient fréquemment.

Les nobles figuraient tous dans les assemblées à raison de leurs titres ou plutôt en vertu des terres dont ces titres étaient le signe. Le roi appelait à cette époque non pas un représentant de la noblesse du bailliage, mais le comte ou le baron qui en était le premier seigneur. La plupart des nobles recevaient une lettre du prince, qui convoquait tel ou tel personnage dont il importait de consulter l’opinion ou de s’assurer les services et la fidélité ; l’intérêt du royaume l’exigeait. En un temps où la force réglait tous les différends, où l’armée sans le concours de la hiérarchie féodale n’était rien, quelle autorité auraient eue les décisions emportant paix ou guerre sans l’assentiment certain des principaux chefs de la féodalité ? Les seigneurs ne choisirent donc pas de députés, mais il arrivait souvent qu’ils se faisaient remplacer par des procureurs qu’ils investissaient du pouvoir de négocier et de traiter en leur nom. Le duc de Bretagne chargeait de cette mission de puissans seigneurs, tandis que des nobles de moindre importance déléguaient un chevalier, un simple écuyer, quelquefois même un clerc ou un légiste.

Ainsi, pour les deux premiers ordres, le principe était la comparution personnelle ; les prélats et les seigneurs se substituaient des procureurs spéciaux, tandis que les abbayes et les chapitres faisaient choix d’un délégué qui représentait seul un être collectif.

Comment « les gens des bonnes villes » assistèrent-ils aux états ? Le premier magistrat de la ville aurait pu être appelé par le roi, mais en fait il ne paraît pas que l’usage de convoquer spécialement le maire ou le consul se soit jamais introduit. D’ailleurs, il faut le reconnaître, dès les premiers états-généraux, l’honneur de se rendre auprès du roi et de siéger à côté de la noblesse et du clergé touchait infiniment moins les députés que la certitude d’un voyage pénible, de périls inévitables, d’une longue absence, et, comme récompense de tant de fatigues, la perspective d’une profonde ingratitude et souvent des éclats de l’irritation publique, lorsqu’au retour ils apporteraient la nouvelle de lourds impôts accordés au roi. Telle est, à examiner les choses de près, une des raisons qui empêchaient le premier magistrat d’accepter cette mission. Il faut ajouter que, dans certaines villes, le maire ou le consul ne pouvait s’éloigner de la cité pendant l’exercice de sa charge. Il fallait donc que la ville