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dans ton ciel natif ; il devait couronner ton désir d’une aimable guirlande.

« Au lieu de cela, il ramènera la joyeuse volée des oiseaux qui s’abattra sur les herbes hautes et profondes nées, de ton cœur si jeune encore.

« Pourquoi laissas-tu, ami, tes belles collines riches de leur vendange, fuyant les larmes secrètes d’amour qui coulaient sur un pur visage ?

« Pourquoi laissas-tu ta mère ? Oh ! quand elle s’asseyait à table, elle regardait ta place, et, pleurant, détournait les yeux.

« Mère, pardonne ! A un signe de toi, sa tête, sa noble tête s’incline ; mais….. Rome la grande le prie.

« Sur les arcs de triomphe, debout, dans le ciel latin, il a vu la haute image de Rome affligée…

« Austère et tendre, elle lui montrait sa face maternelle avec des larmes dans les yeux, elle le regardait et lui tendait les bras en lui disant : « Mon fils ! »

« Et lui, ce brigand pour lequel l’Apennin se couvre d’abondantes pâtures et de moissons

« Qui foisonnent, cet homme féroce, à qui un désir secret souriait dans le cœur, laissait pour elle son, amour condamné à la solitude, pour elle il courut à la mort[1]. »


Effacez quelques traits d’orgueil ou de récrimination injuste, que reste-t-il, sinon l’écho des désirs exaltés, mais inévitables d’une nation redevenue maîtresse d’elle-même, sinon l’excuse de l’Italie ombrageuse, ingrate peut-être, mais entraînée par une passion qui est commune à la généralité des classes et des conditions sociales ? Si M. Carducci n’avait jeté aux quatre vents de la politique d’autres strophes que celles-ci, partant d’un sentiment sincère et empreintes d’une poésie naturelle et vivante, on pourrait ne point partager sa manière de voir, tout en reconnaissant que de telles pages méritent de survivre au conflit bruyant des opinions.


IV

L’Italie a-t-elle bien fait de s’établir à Rome ? C’est une question qui la regarde et qui ne doit pas troubler le bon accord entre elle et la France. Nous en sommes sortis sans lutte, sans offense, obéissant à une nécessité supérieure ; nous n’avons aucun droit de nous

  1. Poésie, p. 60 et suiv.