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puissent trouver de la nourriture, quelques provisions à emporter, et même un gîte en cas de besoin, le tout moyennant paiement, cela va sans dire ; en outre les pâturages de ces fermes sont exclusivement réservés aux attelages qui passent, et qui peuvent y séjourner sans aucune rétribution. Cette mesure a été dictée par l’intérêt général, car les fermes éloignées de tout centre se trouveraient autrement dans l’impossibilité d’écouler leurs produits, et les villes de l’intérieur n’auraient aucune communication avec le littoral. On comprendra la nécessité de ces étapes, si l’on songe que, pour aller de Cape-Town aux mines, les fourgons de marchandises mettent quelquefois trois mois et plus. Malgré les bienfaits de ces stations, où les animaux se reposent et se refont d’un labeur des plus pénibles, le voyageur qui traverse cette contrée pour la première fois remarque avec étonnement la quantité de carcasses de bœufs et de chevaux qui bordent la route comme pour lui indiquer le chemin à suivre et en même temps l’avertir de ménager ses attelages : aussitôt qu’un animal s’abat pour ne plus se relever, son propriétaire le tue, l’écorche et abandonne la chair aux oiseaux de proie, qui la dévorent avec une étonnante rapidité, et servent ainsi à empêcher les miasmes pestilentiels de se répandre dans l’atmosphère.

Outre les oiseaux de toute sorte, le gibier est très varié, et l’amateur trouve de fréquentes occasions d’exercer son adresse : les belettes, les singes cynocéphales, les dindons sauvages, les perdrix, enfin les antilopes de différentes espèces, qui vont par troupeaux considérables dans les pâturages où la vie leur est facile, tous ces élémens de chasse fournissent une distraction nécessaire au futur mineur destiné à de si rudes fatigues, et qui déjà du reste commence l’apprentissage d’une vie assez peu confortable. Les bêtes fauves existent dans les montagnes de quelques endroits, mais ne se montrent jamais, et laissent la sécurité la plus complète aux voyageurs ; elles s’attaquent seulement aux troupeaux de moutons, ce qui force les fermiers qui habitent les environs de ces montagnes d’être toujours sur leurs gardes. Je me souviens de m’être arrêté dans une ferme riche à cinq heures de la ville de Beaufort-West, où tous les meubles du salon, sans exception, étaient couverts de magnifiques fourrures de panthères, de léopards, de chats-tigres tués sur la propriété.

Il faut ajouter à cette faune nombreuse et variée les autruches appartenant à des fermiers, mais vivant à l’état sauvage, que le voyageur rencontre aussi quelquefois sur sa route. Cet intéressant échassier fournit l’un des produits les plus recherchés du commerce du Cap. Les fermes à autruches sont entourées, comme les lignes des chemins de fer, d’un barrage en gros fil métallique ayant pour but d’empêcher ces précieux oiseaux de s’échapper, — ce qui n’est pas difficile du reste, puisqu’ils ne peuvent ni voler ni enjamber, — et