Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fantastiques. Vasari rapporte que Michel-Ange s’amusa dans sa jeunesse à peindre, d’après une gravure de Martin Schœngauer, un saint Antoine en proie aux souffrances d’une épreuve qui ne mérite pas le nom de tentation, si l’on regarde la position critique du pauvre anachorète. Est-ce le travail de Michel-Ange que nous-retrouvons ici ? Le soin avec lequel sont peintes les têtes et les écailles de ces poissons, copiés d’après nature par l’artiste consciencieux, ajoute le chroniqueur, pourrait confirmer l’authenticité de cette miniature, plus curieuse que digne d’admiration, s’il n’en existait pas ailleurs des répétitions sans variantes. Nous nous rappelons avoir vu, il y a quelques années, à Parme une Tentation de saint Antoine, attribuée également à Michel-Aage, achevée avec ce même amour que nous retrouvons dans le tableau appartenant à M. de Triqueti. — Citons encore quelques œuvres charmantes de l’école italienne : l’admirable portrait du Bronzino, à M. de Mortemart, — une Sainte Famille de Luini, au duc de Richelieu, — deux Mazzolino de Ferrare, dont un très important, l’Ecce Homo, au duc d’Aumale, — un Palme le vieux, admirable de couleur, — l’Enfant Jésus, exquise étude de Luini, et un précieux petit tableau de Cotignuola, peintre de Ravenne, bien voisin du Mantegna par le goût des ornemens et la raideur savante du dessin, ces trois beaux ouvrages à M. Reiset. C’est là tout ce que nous trouvons au palais du corps législatif pour représenter ces grandes écoles d’Italie qu’on délaisse aujourd’hui, comme au XVIIIe siècle, lorsque, sans émouvoir l’indifférence des amateurs français, les souverains et les riches particuliers de l’Europe envoyaient acheter chez nous ces chefs-d’œuvre trop sérieux, auxquels nous préférions déjà les paravens, les porcelaines de Chine et les tabatières.


II

Si l’école italienne n’a que de rares représentans au Palais-Bourbon, en revanche les peintres de Hollande et de Flandre y sont plus nombreux. Tout d’abord on y remarque deux œuvres admirables de Memling : la Sainte Famille de la collection Duchâtel et le Mariage de sainte Catherine, appartenant à M. Gatteaux. Le Louvre ne possède qu’un fragment presque insignifiant de ce maître, dont les ouvrages sont extrêmement rares. Il est permis d’avoir des préférences, même devant des chefs-d’œuvre. Si nous sommes frappés par les qualités supérieures qui brillent dans le grand ex-voto, si nous admirons sans restriction les têtes de donataires, où la vie semble s’animer de toutes les ardeurs de la foi, il nous faut bien avouer cependant, malgré la séduction du coloris, que le petit Jésus et sa