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vaincus, car c’est ainsi qu’on déshonore la victoire. » C’est de cette hauteur des principes qu’il domine la situation quand il protège les fonctionnaires publics contre des demandes d’épuration en répondant à la tribune : « A force de s’épurer, on s’isole ; » quand en juillet 1831, au moment des élections si loyalement accomplies, il fait ces deux déclarations : « la liberté des élections ne consiste pas seulement dans la protection des droits, elle réside aussi dans le respect des consciences ; je vous le recommandais dans une précédente circulaire à l’égard des fonctionnaires publics, qui ne sauraient être responsables de leur vote devant l’autorité. » — « Dans les élections, ajoutait-il, l’administration ne doit prendre contre personne l’initiative de l’hostilité. » C’est le même esprit qui l’anime quand, tout en accordant à la religion catholique et à la liberté de conscience la protection la plus respectueuse et la plus efficace, il professe qu’au dehors des sanctuaires la loi civile agit et commande seule ; lorsqu’enfin, faisant un énergique appel à la franchise la plus absolue, il s’écrie : « Un gouvernement qui a la conscience de son bon droit, comme de sa loyauté, n’a rien à cacher. Une grande nation ne fait pas d’équivoque dans ses volontés, ni dans ses sentimens. Point de demi-parti, point d’expédiens, point d’évasions : en toutes choses, simplicité et vérité ! »

N’est-il pas permis de dire que l’ensemble de ces pensées et de ces maximes, auxquelles nous aurions pu en ajouter tant d’autres également remarquables, résume, comme dans un grand enseignement, la philosophie la plus élevée de toute politique conservatrice ? Que de salutaires leçons et que de vœux en France pour qu’elles inspirent les discussions et les actes solennels qui se préparent ! Certes nous ne nous dissimulons pas que des circonstances diverses, quoique ne manquant pas d’analogie, peuvent imposer aussi des diversités dans la conduite des affaires publiques ; mais, si l’application des principes est susceptible de varier dans une certaine mesure, nous osons affirmer que le fond même doit rester invariable, et qu’un gouvernement dont la politique n’en porterait pas l’empreinte incontestée ne saurait justement prétendre au noble titre de conservateur des grands intérêts sociaux et de restaurateur de l’ordre moral.


Cte DE MONTALIVET.