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au moment même où se faisaient entendre les premiers appels au régicide. Une loi des plus graves, la loi sur les élections à la chambre des députés, promulguée le 19 avril 1831, mérite surtout une mention spéciale : ce fut elle, en effet, qui fournit à Casimir Perier la première occasion de manifester avec quelle fermeté il était résolu à ne jamais se faire l’instrument d’un parti, fut-il composé de ses propres amis. Dans la discussion de quatorze jours qui précéda le vote sur l’ensemble de cette loi, une scission s »était opérée entre le centre proprement dit, dont M. Augustin Perier, frère aîné du futur président du conseil, s’était fait le principal organe, et un grand nombre de membres de la gauche modérée. La gauche soutenait le cens de 200 francs en opposition au cens de 240 francs proposé par la commission et soutenu par Augustin Perier ; — la gauche l’emporta et le centre protesta en déposant dans l’urne 62 votes contraires.

C’est dans cette situation que, le 14 mars, Casimir Perier prit possession de la présidence du conseil. Sa décision à l’égard de la loi électorale fut aussi prompte que résolue : — il n’hésita pas à sacrifier les répugnances de ses amis et les siennes propres à la raison d’état, et son premier acte, comme ministre de l’intérieur, fut de proposer, dès le 16 mars, à la chambre des pairs, en insistant sur le cens de 200 francs, l’adoption de la loi électorale votée à une grande majorité par la chambre des députés. Cette démarche, si caractéristique dans sa rapidité, ne coûta rien d’ailleurs à l’intimité de cœur et de raison qui l’unissait à son frère, car l’esprit éminent d’Augustin Perier n’hésita pas un instant à faire la part du député, qui comme lui se bornait à juger un article de loi, et celle du premier ministre, qui avait la mission supérieure de réunir en un faisceau tous les groupes modérés du parlement, seul moyen assuré de réduire à l’impuissance, dans les deux chambres, les passions ou les rêves des partis extrêmes. Casimir Perier, comprenant d’ailleurs la nécessité de ne pas tarder à faire des élections nouvelles, proposa au roi, dès le 31 mai, la dissolution de la chambre des députés.

Jamais élections n’eurent lieu avec plus de ménagement pour les consciences des fonctionnaires, avec plus de liberté pour tous. Aussi, dans une revue rétrospective de son système qu’il eut occasion de faire quelques mois après à la tribune de la chambre des députés, il put prononcer non sans fierté les paroles suivantes : « Comme il faut cependant qu’il y ait quelque chose de convenu dans un pays, car un pays ne vit pas d’expériences sans cesse renouvelées et d’un mouvement indéfini dans ses institutions, on convint de remettre au pays, par des élections générales, le jugement de nos