Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le repos et la richesse de la société, de là enfin cette détresse des intérêts privés qui menace la prospérité publique. Ainsi la société prend l’alarme. L’habileté des factions accroît et exploite cette sorte de terreur artificielle qui seule peut leur ouvrir des chances de succès et favoriser leurs efforts.

« La confiance est communicative ; qu’elle règne enfin ! Sachons nous honorer même en nous divisant, et résistons à ce besoin de haïr et de soupçonner qui envenime tout et qui dégrade calomnieusement jusqu’aux plus nobles caractères, jusqu’aux plus pures renommées. Le ministère n’aspire point à dominer les opinions, mais il réclame le secours des bons citoyens pour tirer la France de cette incertitude qui la désole, pour gagner en paix le jour où la raison publique, par la voix des électeurs, jugera sa conduite et décidera de son sort[1]. »

Si la clarté des explications, si la netteté des idées brillaient dans l’exposé de Casimir Perier, il n’en était pas de même du côté de ses adversaires, retranchés plus que jamais dans les ombres du « programme de l’Hôtel de Ville, » et dans les sous-entendus et les arrière-pensées de l’association dite nationale. Aussi Casimir Perier saisit la première occasion de marcher tout droit sur ces institutions bâtardes inventées et exploitées par des passions aveugles ou intéressées, mais derrière lesquelles on pouvait reconnaître une foule de sentimens généreux et abusés qu’une discussion loyalement complète devait suffire à ramener à une juste appréciation de leurs devoirs de citoyens. Dès le 30 mars, sans attendre ni se faire adresser une interpellation, il prend l’initiative d’une lutte au grand jour, ce procédé favori et presque habituel de sa politique conservatrice. Voyez comme il annonce sa volonté de tout dire, comme il la défie de la part de ses adversaires ! « Devant l’étranger, comme devant le pays, nous expliquons ouvertement notre politique. Nous l’expliquons aux fonctionnaires comme aux chambres. Cette franchise est à nos yeux le premier besoin de l’époque ; elle met tout le monde à l’aise, elle évite à tous aussi de se mettre dans leur tort ; c’est la première garantie pour les peuples et pour le pouvoir sur tout, qui, après des déclarations si franches, ne craint pas que des promesses faites au dehors, ni des programmes réservés au dedans, puissent le compromettre jamais aux yeux de la France ni de l’Europe[2]. »

Après avoir prononcé ces paroles, qu’on ne saurait trop méditer, Casimir Perier prend corps à corps le programme dit de l’Hôtel de

  1. Séance du 18 mars 1831.
  2. Séance du 30 mars 1831.