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et de la force qu’il y avait trouvée pour lui-même : aussi comment s’étonner qu’à son arrivée au pouvoir il se soit appliqué avant tout à donner cette force à tous les élémens de la vie active et politique de la nation ? C’était comme le premier article de son programme qu’il venait d’accomplir dans le gouvernement, et qu’il allait faire pénétrer partout, dans l’administration, dans l’armée, dans la magistrature, non par des épurations et des révocations systématiques, mais surtout par un appel confiant à la conscience et à la loyauté de tous les dépositaires de l’autorité et de la force publique, comme aussi des conservateurs de toutes les nuances.

L’unité de la carrière politique de Casimir Perier peut se résumer en deux mots : énergie et modération. Il dépensait une partie de cette énergie sur lui-même pour rester imperturbablement modéré ; il faisait appel à toute cette modération pour dominer son énergie. Qui n’a connu l’ardeur et la fougue de sa nature ; mais qui n’a admiré en même temps le calme de sa raison ? On peut dire de lui que son tempérament avait des nerfs, mais que sa politique n’en avait pas. Quand on le considère au pouvoir après l’avoir étudié dans l’opposition, on est frappé de voir combien dans les deux situations il a été fidèle à lui-même. Député de Paris en 1817, il siégea sur les bancs de la gauche pendant tout le cours de la restauration. Il prit la parole sur toutes les grandes questions ; mais il ne se laissa entraîner à aucun acte, à aucune déclaration, qui ne fussent un hommage à la légalité la plus scrupuleuse. Pendant que plusieurs de ses amis se laissaient aller à des alliances compromettantes et dangereuses pour la paix publique, il sut résister à toutes les obsessions et à la tentation d’une popularité facile, s’efforçant seulement, dans son opposition, d’arrêter le gouvernement sur la pente des réactions aveugles, auxquelles ces imprudences servaient trop souvent de prétexte ; cependant sa popularité n’en souffrit pas : tout au contraire elle se dégagea plus solide et plus durable des épreuves qu’elle eut à subir, surtout de 1820 à 1823, au milieu des violences de la place publique et des conspirations, dans lesquelles le gouvernement s’efforçait d’impliquer certains membres éminens de la gauche, tels que MM. de Lafayette, Manuel et Voyer-d’Argenson. Il resta le défenseur énergique des libertés constitutionnelles sans jamais en dépasser les limites légales ; aussi beaucoup de ses adversaires, parmi ceux-là même qu’il attaquait le plus vivement, rendaient hautement hommage à sa loyauté parfaite. L’un des plus éminens, M. de Villèle, en a témoigné dans une circonstance dont nous ne nous rappelons pas qu’il ait encore été parlé. Élevé à la pairie en 1828 après la chute de son ministère, M. de Villèle y trouvait, avec la récompense de ses longs services