Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant-garde de réfractaires qui faisaient déjà parler d’eux dans plusieurs départemens, — que le parti bonapartiste lui-même commençait à se montrer et avait déjà un organe dans la presse ; — si nous ne signalions enfin la déplorable mollesse, de la répression judiciaire en face de si grands désordres de tout genre.

Ce tableau, quelque sombre qu’il fût, ne pouvait faire reculer Casimir Perier. Ministre ou président de la chambre des députés, il ne s’était dissimulé à aucun moment le danger suprême de la situation. Bien plus, c’est ce danger même qui avait tenté son énergie et son patriotisme : aujourd’hui il le connaissait dans ses détails, dans son ensemble et dans sa profondeur ; il tenait en main la réalité. C’était à la fois une satisfaction pour son esprit avide de clarté, un point de départ assuré pour le système et les procédés de gouvernement sur lesquels, après s’en être expliqué d’abord avec le roi et séparément ensuite avec la plupart d’entre nous, il avait voulu avoir en présence de tous une explication solennelle et définitive.

Suivons, nous dit-il, suivons à tous les degrés et publiquement le procédé d’explications complètes dont le roi nous a permis d’user avec lui, et que nous avons employé entre nous. Les graves complications qui ont surgi de toutes parts à l’extérieur doivent tout d’abord attirer notre attention. Prenons contre elles toutes les précautions que doit nous suggérer l’intérêt national, comme l’organisation d’une armée puissante et l’armement de la garde nationale ; mais surtout expliquons-nous nettement non-seulement avec l’étranger dans nos négociations, mais encore avec la France elle-même dans les discussions parlementaires. Disons hardiment à la tribune des chambres quels sont nos sentimens, quelles sont nos intentions. Disons, par exemple, que nous ne permettrons jamais ni une contre-révolution en Belgique, ni une intervention quelconque sur l’une de nos frontières, disons que nous nous réservons d’apprécier suivant les circonstances toute intervention étrangère dans l’Italie centrale ; reconnaissons enfin avec douleur l’impuissance où nous sommes de tendre la main de la France à la malheureuse Pologne, trop éloignée d’elle, mais proclamons en même temps la stricte observation pour nous-mêmes du principe de non-intervention, excepté dans les cas publiquement réservés. Nous détruirons, ainsi dans certains gouvernemens l’appréhension des arrière-pensées révolutionnaires qu’ils nous prêtent, et nous les forcerons du même coup à dévoiler leurs arrière-pensées contre-révolutionnaires, si elles existent ; pendant ce temps, cette netteté d’explications réagira de la manière la plus favorable sur notre situation intérieure, et calmera les esprits en portant la lumière au milieu des ombres qui