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le fond grisâtre du désert : ce sont les oasis de Garta, de Seriana, de Sidi-Ochba, de Sidi-Mohammed-Moussa. Plus loin, à l’horizon, le regard s’arrête étonné, ébloui, sur la surface claire et resplendissante du chott Mel-Rir.

En suivant la route de Riskra à Tougourt, on traverse une vaste plaine où la végétation ne produit que des broussailles clair-semées, au pied desquelles les sables s’accumulent en petites dunes de 1 à 2 mètres de hauteur. A 28 kilomètres de Biskra, on trouve la forêt de Saâda, qui n’en est une que dans l’imagination des habitans de ces régions arides. Les arbustes les plus élevés y atteignent à peine la hauteur d’un homme à cheval. Cependant, quand on a séjourné quelque temps dans le sud et qu’on remonte vers le nord, on est si heureux de retrouver ces traces de végétation arborescente, que le titre de forêt, dont on décore le maquis de Saâda, ne semble plus aussi exagéré. A partir de Saâda commence la région des nomades ou Sahariens. Là, plus d’autre végétation que des bruyères, plus d’autre eau que celle des puits artésiens. Ces plaines stériles, qui nous paraîtraient inhabitables, sont couvertes de tentes et de troupeaux pendant la saison d’hiver. Les bruyères y suffisent à la nourriture des moutons et des chameaux. Quand les nomades sont campés trop loin des puits artésiens, ils ne les conduisent que tous les deux jours à l’abreuvoir. Ils font en même temps leur provision d’eau ; ils partent dans la nuit pour arriver au puits vers six ou sept heures du matin, et être de retour avant le milieu du jour. Les puits artésiens de Chegga ont été réparés récemment par le capitaine Picquot, directeur d’un atelier de forage. Il y a construit un vaste abreuvoir. Tous les matins, de nombreuses bandes de chameaux s’y dirigent de tous les points de l’horizon. Rien n’est curieux comme de voir ces pauvres bêtes altérées abandonner, en arrivant près du puits, leur démarche grave et nonchalante, se précipiter vers l’eau avec des grognemens bizarres et témoigner leur joie par les gambades les plus grotesques. A partir du mois de mars, les tribus nomades commencent à remonter vers le nord, pour aller passer l’été dans les terres de parcours situées entre Batna et Constantine. Du 20 avril à la fin de septembre, on ne trouve plus une seule tente au sud de Saâda ; la chaleur y devient insupportable. Dans la première quinzaine de mars 1873, nous avons eu 39 degrés sur les bords du chott Mel-Rir, où nous avions à exécuter des opérations géodésiques. L’atmosphère était alors d’une telle transparence que nous pouvions nous croire à peine éloignés de quelques kilomètres du Djebel-Amar-Khaddou, dont les crêtes étaient encore couvertes de neige. Ce contraste de climats nous créa d’assez sérieuses difficultés. Il était indispensable en effet de construire un signal sur l’Amar-Khaddou avant de faire les stations de la plaine