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d’Urfé ne peut être mise en soupçon, mais elle a besoin d’être expliquée. De germes d’hétérodoxie, il n’y en ici d’aucune sorte, même en admettant, comme ayant appartenu au maître du logis, ces deux opinions, dont l’une est certaine et l’autre conjecturale, la religion est l’hygiène de l’âme, la coutume rend les choses sacrées, car ces deux opinions n’ont rien que n’admette le catholicisme, où cette hygiène de l’âme a été précisément réglementée avec un soin infini, et dont la tradition constitue une des bases les plus solides et les plus sûres ; seulement ces opinions sont communes également au catholicisme et à la simple philosophie morale. Une alliance discrète et éclairée entre la doctrine traditionnelle de l’église et le courant philosophique de la renaissance, tel me paraît avoir été le secret de Claude d’Urfé ; ce fut celui de bien, d’autres illustres esprits du XVIe siècle, même au sein de l’église. On se figure souvent fort légèrement aujourd’hui que, dans ces luttes du XVIe siècle, le catholicisme représentait l’élément ennemi de la raison, c’est tout le contraire qui est la vérité. L’élément vraiment mystique, par conséquent antirationaliste, fut le protestantisme : c’est là ce que sentirent à merveille tant d’esprits éclairés de cette époque, qui restèrent catholiques précisément par philosophie, comme notre sage et prudent Montaigne. Je crois fort que Claude d’Urfé fut du nombre de ces esprits ; mais alors demanderez-vous peut-être pourquoi cette rigidité théologique et cette animosité contre l’hérésie ? Précisément parce que l’hérésie se présentait comme le contraire de ses opinions rationnelles. A celui qui considérait la religion comme l’hygiène de l’âme, le protestantisme, qui apportait avec lui la guerre, par conséquent la maladie, devait paraître le contraire même de la religion ; à celui qui regardait la tradition comme chose sacrée, Je protestantisme, qui l’interrompait et la niait, apparaissait nécessairement comme une profanation sacrilège.

Il n’y a pas que les doctrines du concile de Trente dans cette chapelle ; l’Italie de la renaissance y a mis tout le luxe de ses arts et toute l’habileté de ses artistes, car cette décoration fut l’œuvre d’Italiens appelés par Claude d’Urfé ou venus avec lui. Deux d’entre eux seulement ont signé leur œuvre ; l’auteur du tableau en marqueterie représentant la cène qui forme la porte du tabernacle s’appelait le frère Damien de Bergame, convers de l’ordre des frères prêcheurs, l’auteur des marqueteries de l’oratoire se nommait François Roland de Vérone ; nous regrettons d’ignorer les noms du sculpteur des charmans bas-reliefs de l’autel et du peintre des fresques. Le système général de cette décoration ne laisse pas que d’être quelque peu étrange dans sa magnificence ; elle se compose de carrés dont les ornemens se correspondent, sur le payé, sur la