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nouveau Polyeucte, il s’en allait traitant comme des idoles les statues du château et des Jardins. Qui nous dit que cette statue de l’Automne n’a pas été faite en remplacement d’une plus ancienne qui aurait été victime du zèle de Louis d’Urfé ou de quelque autre accident ? Enfin n’oublions pas dans cette décoration, d’un caractère emblématique, la grille de la fenêtre, ouvrage d’un travail exquis qui figure les frais et sobres aspects d’une jeune vigne au printemps, avec ses tendres pousses, ses vrilles fantasques et ses feuilles naissantes.

Avant même de franchir le seuil de la chapelle, nous pouvons assez bien commencer à comprendre dans cette salle des bains la philosophie morale qui fut particulière à Claude d’Urfé. L’homme est composé de deux substances, un corps et une âme, dont chacune requiert ses médecins et son hygiène propre. La nature est le médecin du corps, Dieu est le médecin de l’âme ; le moyen d’hygiène du corps est le bain, le moyen d’hygiène de l’âme est la prière et le sacrifice. Voilà pourquoi la salle des bains est contiguë à la chapelle, c’est qu’elle est le lieu de purification du corps, comme la chapelle est le lieu de purification de l’âme. La salle des bains est le vrai vestibule de la chapelle, que dis-je ? c’est aussi une chapelle, quoique d’un ordre inférieur, car nul ne saurait porter à Dieu une âme digne de lui, si cette âme est la prisonnière languissante d’un cachot souillé au lieu d’être la radieuse habitante d’un joyeux logis. Le respect que la morale nous enjoint d’avoir pour notre corps constitue un véritable culte ; aussi, bien que nous ne soyons plus païens, devons-nous honorer la bonne nature dont les forces réparatrices effacent les souillures matérielles du péché et expulsent les germes ennemis qui pourraient altérer la vigueur native de notre âme. Ce n’est donc pas par fantaisie que cette salle présente l’aspect d’un petit sanctuaire païen ; on a voulu qu’elle eût ce caractère. Voyez plutôt : est-ce que la décoration de cette salle ne raconte pas les miracles permanens par lesquels la nature entretient en nos corps la santé ? Que veulent dire ces deux allégories en rocaille représentant, l’une un jeune arbrisseau qui se transforme en homme, l’autre un vieillard qui se retient à la terre par de robustes racines, sinon que l’hygiène, qui fait épanouir la jeunesse avec un luxe de beauté et une splendeur de pureté qu’elle ne connaîtrait pas sans ce respect de la nature, prolonge les jours du vieillard et le conserve à la terre bien après le terme ordinaire de la vie ? Et ces statues des saisons, qui marquaient allégoriquement les quatre périodes de la vie de l’homme, que voulaient-elles dire, sinon que la nature accompagne l’homme à travers toutes les étapes de son pèlerinage, et que c’est elle qui lui fournit également des attraits pour le plaisir, des forces pour l’activité et des langueurs pour le repos ? Et les grilles