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plusieurs années d’occupation du poste. Ces titres, donnés comme une sorte de grade dans la hiérarchie du tchine, deviennent, ainsi une distinction personnelle : sous ce rapport, on pourrait les comparer au cardinalat. Il en est à quelques égards du traitement comme du titre, et les évêques sont par ce double lien tenus, dans la dépendance du pouvoir central. L’allocation du trésor n’est point fixe, ou plutôt elle ne forme que la moindre partie des revenus épiscopaux. A côté du traitement, il y a les supplémens, puis les secours du saint-synode, puis les immeubles ecclésiastiques ou l’indemnité qui les remplace, enfin le casuel et les dons volontaires. Toutes ces ressources constituent des revenus assez élevés sans être excessifs. Les évêques, les principaux surtout, ont dans la société un haut rang dont en général leur mérite les rend dignes. Aucune chaire de l’Europe n’a été occupée par une plus remarquable succession de prélats que la chaire, de Moscou, même depuis la fin du patriarcat. L’existence extérieure des évêques russes est entourée d’un certain luxe, leur vie intérieure est sévère. Pris dans le cloître, ils ont d’ordinaire un couvent pour demeure, et à travers les plus hautes dignités observent le régime d’abstinence des moines.

Les évêques ne sont pas seulement subordonnés à l’autorité au synode, chacun d’eux est assisté d’un conseil ecclésiastique qui dans son diocèse joue en petit un rôle comparable à celui du synode dans l’empire : c’est le consistoire éparchial, éparkhialhaïa consistoria. Les membres en sont nommés par le synode sur la présentation de l’évêque, et leurs décisions n’ont de validité qu’avec la confirmation épiscopale. Ces consistoires participent aux soins de l’administration diocésaine. Ce sont eux qui jugent en première instance les causes encore déférées à la justice ecclésiastique. Pour la plupart des affaires, spécialement, pour la justice, le saint-synode sert de cour d’appel, et juge en dernier ressort. Les causes soumises aux tribunaux de l’église peuvent se ranger sous deux chefs principaux : les affaires personnelles ou disciplinaires du clergé, et les affaires de mariage ou de divorce. Presque seule dans le monde. chrétien, l’église russe a conservé ce privilège de justice, longtemps revendiqué par l’église latine. La Russie a, selon les principes de la société moderne, commencé à substituer à la justice ecclésiastique la justice civile, qui depuis la réforme judiciaire présente de plus sérieuses garanties. Les tribunaux du clergé doivent être réorganisés, et leurs attributions, déjà réduites par Pierre le Grand, encore diminuées. Il est question de leur enlever les causes de divorce pour ne réserver à l’évêque que la confirmation de la sentence rendue par les tribunaux ordinaires. C’est là une des nombreuses mesures accessoires qui doivent compléter les grandes réformes du règne actuel.