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opprimés, — et l’administration corrompue des mandarins en avait fait beaucoup, — partout où il existait des peuplades de race étrangère, — et toutes les provinces frontières de cet immense empire en contiennent plus ou moins, — les mécontens prirent les armes. Les insurgés du Szechuen étaient connus sous le nom de Toufehs. Que voulaient-ils ? On prétend que c’étaient des pillards, et rien de plus. Quels furent les incidens de la lutte ? Les renseignemens font défaut. Tout ce qu’on peut dire est que le calme se rétablit quelques années plus tard, et que ces rebelles semblent n’avoir pas eu plus de succès en définitive que ceux qui s’étaient emparés de Nankin et de Talifou. Cependant ils furent pendant plusieurs années un obstacle sérieux qui retarda les progrès de l’influence européenne. dans cette région.

Dès que les traités de 1860 eurent ouvert la Chine aux étrangers, Anglais et Français voulurent pénétrer dans l’intérieur, les premiers afin de s’y créer des relations commerciales, les seconds mus plutôt par le désir d’y répandre le christianisme. Les cartes dressées par les jésuites au XVIIIe siècle avaient déjà fait connaître la grande importance du Yang-tsé-kiang, qui prend sa source près des frontières du Thibet, et coupe de l’ouest à l’est les plaines les plus fertiles de l’empire. Le développement rapide du trafic dans les porte de Shanghaï et de Hankou montrait assez que ce fleuve est le débouché naturel des provinces les plus riches. En en remontant le cours, ne pouvait-on pas arriver au Thibet, traverser ce royaume inconnu et redescendre dans la vallée du Gange par les cols de l’Himalaya ? Tel est le projet imaginaire que les Anglais conçurent tout d’abord sans prévoir les empêchemens qu’ils rencontreraient en chemin, et que quelques-uns de leurs aventureux explorateurs cherchent encore à réaliser de temps en temps. Le premier, le colonel Sarel, qui se mit en route à l’automne de 1861 se vit arrêté dans le Szechuen par les Toufehs. En février 1868, un autre voyageur, M. Cooper, entreprenait la même excursion sous les auspices de la chambre de commerce de Shanghaï. Les rebelles étaient alors domptés ; mais, lorsqu’il voulut dépasser la ville de Batang et se diriger sur Lhassa, les lamas thibétains lui interdirent de la façon la plus formelle l’accès de leur pays. M. Cooper voulut alors se diriger de Batang sur l’Assam, dont il n’était séparé que par 300 ou 400 kilomètres de montagnes. Repoussé de nouveau, il revint à Shanghaï, s’embarqua pour l’Inde, sut intéresser à ses projets les négocians de Calcutta, et, quoique poliment éconduit par le gouvernement vice-royal, il s’engagea dans les montagnes de l’Assam. Cette fois encore la tentative fut infructueuse ; les autorités thibétaines avaient donné l’ordre d’expulser par la force tous les étrangers qui se présenteraient. Il est digne de remarque que lord Mayo comprenait fort