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sacré n’a jamais été traduit dans la langue chinoise. S’ils réprouvent l’usage du tabac et de la viande de porc, ils boivent volontiers du vin. La distance et la difficulté des routes ne leur permettent guère de faire le pèlerinage de La Mecque. Le gouvernement musulman qui s’établit dans le Yunnan ne différait guère de l’ancien, sauf qu’il était plus belliqueux et moins rusé. Les Chinois s’y soumirent avec la résignation fataliste qui est dans leur caractère, attendant des jours meilleurs ; quant à l’empereur de la Chine, il avait fort à faire à cette époque avec des rebelles plus redoutables et plus rapprochés de Pékin.

Il n’est pas surprenant que cette révolution mahométane n’ait eu presque aucun retentissement au dehors, tant ce pays vivait à l’écart du reste du monde. Tout au plus en fut-il d’abord question dans les lettres des prêtres français de la mission thibétaine, ou dans les récits de quelques Anglais qui parcouraient la Birmanie pour les besoins de leur commerce. Il y avait déjà douze ans que les Panthays avaient reconquis leur indépendance, lorsque les intrépides voyageurs de l’expédition du Mékong les rencontrèrent sur leur chemin dans le haut du Yang-tsé-kiang. Les insurgés se défièrent de nos compatriotes, qui se présentaient en effet sous les auspices du gouvernement chinois. Vers le même moment, ils eurent au contraire l’occasion d’entrer en rapports avec le gouvernement anglo-indien, qui leur envoyait en quelque sorte une ambassade.

Après comme avant la conquête du Pégou, quelques hommes entreprenans, officiers ou médecins de l’armée anglo-indienne, qui s’étaient donné la tâche aventureuse d’explorer le royaume birman, se laissèrent séduire par l’idée que les deux grands fleuves de cette contrée, l’Irawady et le Salouen, peuvent servir de débouchés à la Chine occidentale. L’un d’eux, le capitaine Sprye, n’alla pas à moins de proposer un chemin de fer entre Rangoun et Szemao, ville frontière du Yunnan, projet chimérique s’il en fut, car une reconnaissance effectuée le long de la voie indiquée fit voir que les ingénieurs y rencontreraient des obstacles presque insurmontables, et que même le trafic entre les deux extrémités de cette ligne était en réalité de médiocre importance. Un autre explorateur, le docteur Williams, qui avait abandonné sa carrière militaire pour entrer au service de l’empereur birman, proposait de reprendre l’ancienne voie des caravanes par l’Irawady jusqu’à Bhamo, et par terre de Bhamo à Talifou. Ces projets attirèrent l’attention en Angleterre plus qu’ils ne le méritaient peut-être. Les chambres de commerce demandèrent avec instance que ce nouveau mode de communication avec la Chine fût sérieusement examiné. Les premières parties de cette