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cela il est résulté un acte du sultan interdisant à la compagnie de Suez de maintenir le tarif qu’elle perçoit depuis deux ans, en lui enjoignant de revenir au tarif de tonnage officiel. À vrai dire, c’est là un acte d’interprétation discrétionnaire des conventions, d’omnipotence auquel M. de Lesseps avait manifesté l’intention de résister. Le conflit est devenu un instant assez vif, lorsque les gouvernemens ont évoqué la question dans l’intérêt même d’une œuvre essentiellement internationale. M. de Lesseps s’est soumis à la décision du sultan en réservant les droits de la compagnie qu’il représente, et la diplomatie trouvera sans nul doute un moyen de tout concilier, de façon à ne pas mettre en péril une des plus grandes entreprises de ce siècle.

Les événemens ne se hâtent pas en Espagne. Il y a un mois déjà que se livraient autour de Bilbao les combats sanglans dont l’issue est restée incertaine, qui ont laissé en présence carlistes et libéraux. Pendant que Serrano était à guerroyer contre les carlistes, le ministère était en pleine crise à Madrid, et c’est là une des causes de cette sorte de trêve qui s’est prolongée depuis un mois. Serrano a été obligé d’envoyer l’amiral Topete afin de remettre la paix entre ces ministres assez bien inspirés pour se quereller dans un pareil moment, pour ajouter une crise de pouvoir à la guerre civile. Topete semble avoir réussi, au moins pour l’instant, et cette préoccupation a cessé de peser sur les opérations militaires du nord. D’un autre côté, Serrano a employé ce mois à refaire ses troupes, à augmenter son armée et à préparer ses moyens d’attaque. Un nouveau corps a été notamment formé sous les ordres du général Manuel de la Concha. Ce corps a été composé par son chef avec de vieux soldats, de sorte que maintenant ce sont deux véritables armées, l’une conduite par Serrano, l’autre menée au combat par Coucha, qui vont tenter le grand effort contre les positions carlistes. La lutte est peut-être déjà engagée, et on peut dire que c’est l’avenir de l’Espagne qui se joue dans ces montagnes aux abords de Bilbao.

CH. DE MAZADE.

ESSAIS ET NOTICES.
L’Histoire de France racontée à mes petits-enfans, par M. Guizot.
Troisième volume. Paris 1874. Hachette.

Le nouveau volume de M. Guizot embrasse la période qui s’étend depuis l’avènement de François Ier jusqu’à la mort d’Henri IV. Il n’en est peut-être pas dans notre histoire qui soit plus intéressante et plus dramatique. D’abord il s’agit bien de notre France d’aujourd’hui, et nous nous y reconnaissons partout. Il nous faut un effort pour nous re-