Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ration de l’empire s’efforcent de représenter le 4 septembre comme un crime au lieu de voir en lui le dénoûment fatal, inévitable, des désastres impériaux, ils sont dans leur rôle ; apparemment il y a autre chose à faire aujourd’hui qu’à leur venir en aide, à leur fournir des élémens pour la réhabilitation, assez difficile, il est vrai, de l’empire. Si le 4 septembre a été si manifestement un crime, une usurpation, alors l’assemblée n’a plus qu’à rappeler le corps législatif ; ce n’est pas probablement son intention cependant. Toujours est-il que l’empire ne ferait pas mieux le procès de ceux à qui il a légué un triste héritage, et c’est à quoi on s’expose en se laissant aller à la tentation des enquêtes politiques au lieu de se borner à rassembler des faits, des témoignages, qui ne sont pas l’histoire, qui sont les matériaux de l’histoire.

Où en est maintenant l’Europe ? Les questions générales ne sont point pour le moment au premier rang des préoccupations publiques. La Suisse, qui pratique, quant à elle, le système du plébiscite, vient de soumettre au scrutin populaire la révision de sa constitution fédérale, votée à une grande majorité sous l’influence des conflits religieux qui passionnent les esprits. L’empereur Guillaume, qui semble entièrement remis de la grave maladie qu’il a éprouvée pendant l’hiver, vient de clore lui-même le parlement allemand par un discours dont une seule partie, celle qui a trait à la loi militaire, intéresse l’Europe et la France. L’empereur, M. de Bismarck, M. de Moltke, ont consenti à ne réclamer le contingent militaire que pour sept ans ; ils ont fait cette libérale concession aux scrupules parlementaires d’une fraction du Reichstag ; mais l’empereur parle assez haut en son nom et au nom de tous les gouvernemens allemands pour que cette concession soit estimée à son juste prix, il n’est point douteux que la puissance militaire de l’Allemagne doit rester telle qu’elle a été fixée, c’est l’intention évidente de la politique qui de Berlin préside aux destinées allemandes. Que les armemens se multiplient et grandissent un peu partout, les intérêts de la paix ne restent pas moins les premiers, et c’est parce qu’ils sont les premiers qu’une simple affaire particulière, due à l’initiative privée, prend en ce moment même l’importance d’une affaire internationale. La question de l’isthme de Suez est devenue tout à coup un objet de délibérations ou de pourparlers diplomatiques à la suite d’un conflit relatif aux conditions d’existence de cette grande voie de communication ouverte par l’énergie d’un Français entre l’Occident et l’Orient. Il s’agit tout simplement en apparence d’un tarif que la compagnie de Suez revendique le droit d’établir sur le tonnage réel des navires au lieu de le fixer sur le tonnage officiel souvent fictif. Elle a établi en effet ce tarif depuis deux ans, et la justice française a même prononcé en sa faveur dans un procès soulevé par la compagnie des Messageries maritimes ; mais les armateurs étrangers ont réclamé. Ils ont invoqué l’appui de leurs gouvernemens, qui à leur tour sont intervenus à Constantinople, et de tout