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pris, sans préoccupations, pouvait assurément être utile, et malgré tout elle le sera ; mais il est évident qu’on a souvent donné audience aux opinions ou aux conjectures, ou même aux apologies personnelles plutôt qu’aux faits. On s’est lancé un peu à l’aventure, sans fixer de limites, sans préciser le caractère des recherches et sans se défendre toujours de certaines obsessions d’esprit, de certains jugemens préconçus. Il en est résulté un amas de documens peu sûrs, un travail confus, détourné souvent de sa vraie destination, contesté, contre lequel s’élève aujourd’hui M. le général Trochu dans un livre très brillant et très vif, — la Politique et le siège de Paris, — qu’il oppose à M. le comte Daru. La défense même que le général Trochu croit nécessaire comme ancien gouverneur de Paris indique l’écueil qu’on n’a pas su toujours éviter.

La vérité est que l’enquête française ressemble un peu trop quelquefois, non à une investigation patiente, précise, impartiale, mais à un procès dirigé contre le gouvernement de la défense nationale, contre le 4 septembre, et où les rapporteurs ont trop l’air souvent de se donner la mission d’instruire une accusation politique dénuée de sanction. C’est là une erreur qui affaiblit l’intérêt de ce vaste travail et qui en atténue même l’autorité. L’assemblée n’est pas un tribunal. La responsabilité générale qui s’attache à ces tragiques événemens ne relève guère désormais que du pays. S’il y a une responsabilité politique plus précise à faire peser sur des gouvernemens, la question devrait être vidée depuis longtemps. S’il y a des responsabilités individuelles pour des faits déterminés, ce n’est pas l’assemblée qui est juge. En dehors de cela, les opinions du rapporteur ne sont que des opinions qui ont l’inconvénient de paraître engager l’assemblée dans des controverses où elle n’a que faire. Ces rapports sont des récits ou des exposés plus ou moins intéressans, selon le mérite des auteurs, ils ne sont rien de plus. L’assemblée n’est pas plus chargée d’écrire l’histoire que de prononcer des arrêts de justice. Et voyez où cela conduit : lorsque M. le général Trochu croit devoir se plaindre, qui a-t-il devant lui ? Est-ce M. le comte Daru auteur d’un exposé sur les événemens politiques et militaires de 1870 ? est-ce le président de la commission parlant au nom de l’assemblée ? Quelle différence y a-t-il, au point de vue de l’autorité du témoignage, entre M. le comte Daru et M. le général Trochu ? Il y a cette différence, que le général Trochu était là, en pleine action, portant le poids d’une situation affreuse, et que M. le comte Daru n’y était pas, comme le remarquait un jour spirituellement l’ancien gouverneur de Paris.

Et puis enfin à quoi bon s’attarder dans ces vieilles querelles et leur donner en quelque sorte une consécration officielle ? A quoi sert de refaire perpétuellement le procès du 4 septembre, dont le principal coupable sans doute n’est ni le général Trochu ni le gouvernement de la défense nationale ? Que ceux qui espèrent encore préparer une restau-