Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patriarcat, qui par soi-même a la vertu d’assurer la liberté de l’église ; c’est le mode d’élection d’où sortent l’une ou l’autre autorité et les garanties qui l’entourent ; ce sont avant tout des lois et plus encore les mœurs publiques. Dans des conditions également favorables, la comparaison entre un patriarche unique et un conseil synodal pourrait encore tourner au profit du dernier. C’est lui qui saurait le mieux assurer la liberté intérieure du clergé et les droits des prêtres ou des fidèles, lui qui mènerait le mieux la société religieuse au self-government. Il n’y a pas de constitution libérale qui ne soit conciliable avec un synode : en le composant de membres de droit, inamovibles, comme l’est déjà en partie le synode de Pétersbourg, on en pourrait faire une sorte de sénat ecclésiastique, — en le laissant élire par les évêques, une sorte de concile par délégation, — en le faisant choisir par les différentes classes du clergé, un parlement, une assemblée représentative de tous les intérêts ecclésiastiques. Cette forme flexible se prête à tous les progrès, à toutes les évolutions où peuvent aboutir les habitudes politiques ou les idées religieuses. Là est le gage de sa durée : un synode est aussi bien à sa place dans un gouvernement absolu que dans un gouvernement libéral, dans une république que dans une monarchie.

Le saint-synode de Russie est en rapport avec île gouvernement et la société russes. Comme toutes les autorités de l’empire, il est à la nomination du souverain. Il a le titre de très saint-synode dirigeant, c’est-à-dire administrant ; mais le code et le Règlement spirituel ont soin de constater qu’il n’agit qu’en vertu d’une délégation de l’empereur. Pour la puissance autocratique, le synode est l’instrument de l’administration des affaires ecclésiastiques, comme l’est le sénat des affaires civiles. Les Russes n’en contestent pas moins les déductions tirées de ces textes législatifs par les adversaires de leur église. Il en est, disent-ils, de cette prérogative souveraine comme de toutes les prérogatives monarchiques ; il est facile de les pousser à l’absurde, facile d’en tirer des conséquences outrées. En pareille matière, il est toujours malaisé de déterminer les bornes des droits du pouvoir ; ce sont moins les titres ou les textes qui en décident que les mœurs. En Russie, où il ne peut y avoir de concordat avec un pouvoir ecclésiastique étranger, l’état semble libre de régler la constitution de l’église à son gré et de pousser ses prétentions aussi loin qu’il lui plaira. Ce n’est là qu’une apparence ; ce pouvoir est limité par les mœurs nationales et les coutumes des pays orthodoxes. Pour n’être pas nettement tracées, ces barrières n’en sont pas moins souvent plus effectives que des chartes ou des lois.

L’étranger se représente parfois le tsar comme le chef de son