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vernis, des gommes, du coton, de la soie, de la cannelle, des poissons salés, et enfin, dans un temps prochain, nous l’espérons du moins, les riches minerais, les soies, les thés, qui, provenant du nord de la Chine, prendront la voie du Fleuve-Rouge jusqu’à son embouchure dans le golfe du Tonkin.

Le débloquement des ports de l’Annam par le Bourayne, le parcours de la mer à Yunnan opéré pour la première fois par des Français, MM. Dupuis et Millot, sont des titres, il faut le répéter, qui nous assurent sur toutes ces contrées une situation exceptionnellement favorable. En dehors des intérêts particuliers de la France, le commerce en général doit tirer un grand profit de la voie tracée par nos compatriotes. La chambre de commerce de Hongkong, qui avait envoyé infructueusement un M. Michell Moss à la découverte de cette même route, invite déjà les Anglais à faire leurs préparatifs pour l’exploiter. Il reste à savoir si la cour de Pékin autorisera cependant les bateaux à vapeur étrangers à naviguer au nord de son empire, dans cette partie du Yunnan qu’arrosent les rivières Kinsha et Min avant de se confondre dans le grand fleuve Yang-tse-kiang. De cette concession dépend tout l’avenir du Song-koï, et nous affirmons qu’elle n’a point été encore accordée. Très probablement une demande de libre navigation sur le Yang-tse-kiang et ses affluens aura été déjà formulée à Pékin par notre ministre, M. de Geoffroy, et il est hors de doute qu’elle ne soit appuyée par les délégués des autres nations intéressées comme nous à l’obtenir. Si rien n’avait été fait à ce sujet, il faudrait se hâter.

Nous croyons avoir démontré que les produits du Yunnan et du Szechuen, au lieu de s’écouler à l’ouest vers l’Europe par l’antique route de la Chine aux Indes, modifiée par le capitaine Sprye, au lieu de suivre à l’est le haut Yang-tse-kiang pour redescendre ensuite jusqu’à Shanghaï, déboucheront, pour des raisons de temps et d’économie, par le Fleuve-Rouge dans le golfe du Tonkin. Une fois à Cuacum, Trali ou Catba, les marchandises auront gagné, indépendamment du temps employé à descendre à Shanghaï, un parcours de six jours, celui de ce dernier point à Hongkong, et de onze, si l’on compte le temps nécessaire pour aller en bateau à vapeur de Shanghaï à Hongkong. Or rapprocher ainsi de vingt-cinq jours environ l’Europe des précieuses productions de la Chine et du Tonkin est une tentative d’une importance réelle. Nous y voyons un riche avenir commercial et d’heureuses spéculations, si nos armateurs veulent en tirer parti et ne pas se laisser distancer, comme en Nouvelle-Calédonie, par d’actifs et intelligens compétiteurs.


Edmond Plauchut.