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ne s’y engouffre et ne les renverse de fond en comble. Dès que le typhon avec ses nuées grises, lacérées d’éclairs, disparaît, le peuple sort en foule dans les rues, en poussant de grands cris, avide de contempler les dégâts ; puis presque aussitôt, avec le calme asiatique qui le caractérise, il se remet patiemment à relever ses réduits en bambous, qu’un nouvel ouragan peut demain jeter par terre. Les tremblemens de terre se font à peine sentir dans cette zone, limitée pourtant à l’est et au nord par de grandes montagnes. On se souvient encore cependant qu’en 1800 la mer fit soudainement irruption sur le littoral, s’avançant jusqu’à une distance de 8 kilomètres dans les terres ; elle ne se retira qu’après quinze heures d’un épouvantable séjour, balayant dans sa retraite des hommes et des animaux, et transformant en une plaine fangeuse les emplacemens occupés la veille par de populeux villages.

Si dans les plaines le sol est gras, limoneux, et doit sa fertilité aux alluvions que de nombreux cours d’eau lui apportent, les montagnes sont en général formées d’entassemens de granit et de syénite. Les contre-forts donnent du quartz, du marbre et des roches calcaires. Les mines d’or et d’argent sont situées à l’ouest du Tonkin ; on ignore ce que donnent les premières, exploitées par l’empereur ; les secondes produisent annuellement 6,000 kilogrammes d’argent environ. Il y a des cantons, dit M. l’abbé Richard, où l’or doit être fort abondant, puisque l’on y nourrit des canards pour le seul profit de l’or que l’on retire de leurs excrémens. Qui a jamais vu un pareil système de nettoyage appliqué aux pépites d’or ? Comment croire aussi le père Diego Avvarte, débarqué le premier en 1596 sur les côtes de Cochinchine, lorsqu’il déclare avoir trouvé une grande croix sur le rivage, plantée là avant l’arrivée d’aucun missionnaire connu ?

L’étain, le zinc et le cuivre se trouvent au nord, dans les soulèvemens qui forment la frontière du Tonkin. J’ai eu sous les yeux, il y a peu de jours, un échantillon de minerai de cuivre provenant de ces montagnes si grandement fécondes en métaux de toute sorte ; envoyé à Londres par les soins de M. Rémi de Montigny, ce minerai a donné 40 pour 100 de cuivre pur[1]. Si des spéculateurs hardis voulaient entreprendre là des travaux de mine, nous devons les prévenir que les Chinois leur fourniraient les bras nécessaires à ces rudes travaux ; mais quels sont les capitaux français qui oseront se risquer ? Quant à ceux de nos compatriotes sans fortune qui

  1. Des échantillons de minerai de fer de la province de Yunnan, remis par M. de Muntigny à notre École des mines, ont donné 97 pour 100 de peroxyde de fer, — des mattes de première fusion 37 de cuivre, 15 de plomb, 36 d’arsenic, — du minerai d’étain en poudre fine jusqu’à 70 d’étain, — de la galène 73 de plomb contenant 5 millièmes d’argent.