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fois encore bien accueillis par le mandarin Le-Tuam, ancien ministre des affaires étrangères à Hué, aujourd’hui général d’armée. La ville est sans importance, la citadelle sans solidité ; aussi dès le lendemain nos compatriotes regagnaient leur bâtiment. Le 24, le Bourayne passait le détroit d’Hainan, et le 27 on jetait l’ancre devant Hongkong, ayant, dans un voyage qui avait duré cinquante jours, exploré tout le littoral du Tonkin, visité ses principales villes, coulé sept jonques portant plus de cent canons et donné la mort à 500 bandits. Lorsqu’un souverain d’Asie permet ou demande qu’on fasse une pareille police dans ses états, il est facile de prévoir que ce souverain sera prochainement dépossédé sans qu’on ait besoin de recourir à l’emploi des armes.


II

L’empire d’Annam, situé dans la presqu’île de l’Indo-Chine, au-delà du Gange, est composé d’une partie de la Cochinchine, du Tonkin, du Ciampa et de quelques lambeaux de la province du Laos. Nous n’avons à parler aujourd’hui que du Tonkin, dont les frontières n’ont jamais été bien exactement limitées ; sur de bonnes cartes, on les trouvera figurées du 18e jusqu’au 22e degré de latitude septentrionale. Le Tonkin proprement dit est donc borné au nord par la Chine, à l’est par la mer, au sud par la province du Ciampa, à l’ouest par l’Annam. La capitale est Hannoï ou Kécho, c’est-à-dire le « Grand-Marché ; » dans la langue officielle, on l’appelle encore Than-long-Than, ce qui signifie la « Cité du Dragon rouge. » Édifiée au VIIe siècle, lorsque la contrée dépendait encore de la Chine, cette ville fut abandonnée par le premier roi de la dynastie Dinh, vers l’an 900, mais pour redevenir capitale jusqu’au moment où es monarques annamites établirent leur résidence dans la Haute-Cochinchine, à Hué. Elle compte aujourd’hui 100,000 habitans.

Le Tonkin doit à la chaîne de montagnes côtières qui l’enferment de l’ouest jusqu’au littoral, sur une longueur de 20 lieues, ainsi qu’à sa frontière montagneuse du nord, le nombre exceptionnel de ses songs ou fleuves. Le principal de ces cours d’eau est le Song-koï ou Fleuve-Rouge, qui prend sa source dans les contre-forts de l’Himalaya, parcourt une partie du Yunnan sous le nom de Hoti-kiang, descend jusqu’à Hannoï, et vient se jeter à la mer, divisé en plusieurs bras, à Cuacum, presque au centre du golfe. La barre du Song-koï, comme la généralité des barres des grandes rivières, est formidable, très dangereuse par un gros temps, et la canonnière française l’Arc s’y est récemment échouée. Les plus grandes jonques de Chine peuvent sans difficulté remonter jusqu’à Hannoï ; il y a deux cents ans, les Hollandais, avec les lourds bâtimens de cette