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1,500 mètres ; mais la profondeur n’est malheureusement que de 5 mètres, ce qui est dû sans doute à la division des eaux en deux bras. Quant à l’étendue que la capitale occupe sur la rive, elle est de 4 à 5 kilomètres ; sur la rade règne cette fiévreuse activité, ce mouvement incessant de jonques et d’embarcations que l’on remarque dans tous les ports de l’extrême Orient ; les pétards, les vibrations du gong, y déchirent les oreilles des Européens, comme si l’on se trouvait en rade de Canton ou de Shanghaï.

Des troupes annamites attendaient à leur débarquement nos compatriotes et leur firent cortège jusqu’au Conq-Quam, l’hôtellerie des étrangers. Pour y arriver, il leur fallut traverser la ville, marcher pendant quatre kilomètres au milieu d’une population avide de voir les « barbares » d’Occident. C’est à coups de rotin, hélas ! que nos matelots réprimaient cette curiosité, excessive il est vrai, mais partout bien naturelle sans doute lorsqu’on songe à la fièvre qui poussait les badauds sous les pas du shah de Perse. Je sais que c’est le bâton qui est notre habituel argument contre l’importunité des Asiatiques, mais je déplore ces violences, et, pour ma part, je ne les ai jamais employées. Dans les rues de Canton, quelques mois après la prise de cette ville, sur les montagnes du Marivelès aux Philippines, je me suis vu entouré par beaucoup de Chinois, de Tagales et de Negritos, et c’est par la douceur, en provoquant une gaîté facile à faire naître, que j’ai tenu éloignés mes visiteurs trop impétueux. Le missionnaire n’emploie jamais le bambou pour se faire accepter des populations chinoises ou annamites ; seul et sans défense, il réside paisiblement au milieu d’elles quand la persécution ordonnée par les mandarins ne sévit pas contre lui.

Nous ne suivrons pas le commandant du Bourayne et ses compagnons dans la visite qu’ils firent au gouverneur de Bac-ninh, visite qui, par suite de la grossièreté de quelques soldats chinois au service de l’Annam, faillit dégénérer en drame sanglant ; nous dirons seulement que la citadelle qui commande la ville, composée de 500 à 600 maisons, n’a aucune valeur, qu’elle est dominée par des collines hautes de 800 à 1,500 mètres, et défendue par une douzaine de canons oxydés. Le gouverneur, dont l’accueil fut parfait, quoique ayant dans la contrée la réputation d’un homme éclairé et intelligent, ne savait pourtant rien, dit M. Senez, de son pays, tant au point de vue politique et commercial que géographique. Il en est ainsi de la plupart de ces hauts fonctionnaires.

De retour à bord le 15 novembre, on repartait le 16 pour aller à Quan-yen en passant de Cuacum au Bac-dangian par un arroyo vaste et profond. La rivière de Bac-dangian est une grande voie intérieure, large de 5 à 7 kilomètres, avec des profondeurs variables de 5 à 20 mètres. A Quan-yen, les explorateurs furent une