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LE TONKIN
ET
LES RELATIONS COMMERCIALES

L’attention de la France vient d’être soudainement appelée sur sa colonie de Cochinchine au moment où, livrée au travail de sa réorganisation, se fiant à la sagesse, au calme habituel de ses possessions d’outre-mer, elle suivait d’un regard à peu près désintéressé la marche des Anglais sur Coumassie et l’entrée des Hollandais dans le Kraton des Atchinois. La nouvelle inattendue de l’assaut donné par une troupe française à la citadelle d’Hannoï ou Kécho, — la capitale du Tonkin prend indistinctement ces deux noms, — était-elle le prélude d’une continuation de conquête dans la péninsule indo-chinoise, ou bien une préparation à l’exercice d’un protectorat semblable à celui que nous accordons depuis 1865 à Noroclon Ier, roi du Cambodge ? Certains journaux de Saïgon et de Hongkong avaient déjà présenté l’une ou l’autre de ces deux hypothèses comme un fait accompli. Il n’y a d’exact heureusement, dans toutes ces versions, qu’un traité de commerce qui vient d’être signé le 15 mars avec sa majesté Tu-Duc, l’empereur d’Annam. Si nous nous en félicitons, c’est que nous avons la douleur de croire que notre pays n’a jamais été moins en mesure d’étendre par les armes les frontières de ses colonies, et plus sévèrement contraint de se montrer avare de ses trésors et du sang de ses fils.

Ce n’était donc pas dans un dessein avoué d’agrandissement extérieur que le 18 octobre dernier l’aviso le d’Estrées, remorquant la canonnière l’Arc, quittait le mouillage de Saïgon pour celui d’Hannoï. Cette expédition, sollicitée par le gouvernement annamite lui-même, avait pour objet de mettre fin aux complications qui résultaient de la présence trop prolongée dans ces parages d’un de nos honorables compatriotes, M. Dupuis, et d’établir simplement les bases d’un traité de commerce motivé par la découverte de nouvelles voies navigables. D’après les rapports publiés par M. Dupuis,