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en trois phases distinctes marquées par trois commandemens différens, de même qu’elle se concentre en trois actions principales :: les combats devant Bazeilles et La Moncelle, les combats devant Daigny et Givonne, les mêlées confuses et terribles du plateau d’Illy, qui sont le signal du désastre. Au premier moment, ce sont les Bavarois de Von der Tann qui, après avoir passé la nuit à disposer dix-huit batteries sur les pentes de la rive gauche qu’ils occupent, franchissent la Meuse à la faveur de l’obscurité, et se portent brusquement sur Bazeilles. Ils trouvent devant eux la brigade de marine de Martin des Pallières, qui les reçoit avec la plus inébranlable fermeté. Plusieurs fois ils renouvellent leurs tentatives avec des forces croissantes, ils sont toujours repoussés, et la lutte ne tarde pas à devenir meurtrière. Ce n’est encore que le début. Bientôt les Bavarois sont soutenus par une attaque dirigée sur La Moncelle, à la gauche de Lebrun. Ici les Saxons, accourus au secours des Bavarois, vont se heurter contre la division Grandchamp et la division Lacretelle. Plus haut, vers Daigny et Givonne, Ducrot s’est engagé à son tour, jetant au-delà de la vallée la division de Lartigue, chargée d’aller prendre les positions du bois Chevalier ; mais le général de Lartigue trouve le bois déjà occupé par des troupes du XIIe corps saxon, avec lesquelles il ouvre un combat des plus vifs sans pouvoir avancer. Ce n’est qu’un peu plus tard que Douay va être attaqué de son côté. Ainsi l’action ne se dessine pas encore vers Floing, elle commence assez vivement devant Daigny, elle est dans toute son intensité, et en définitive avantageuse pour nos marins à Bazeilles. Rien de précis encore, lorsqu’un accident imprévu, quoique bien simple à la guerre, vient compliquer la situation. Le maréchal de Mac-Mahon, au premier avis donné par le général Lebrun, est accouru sur le champ de bataille, s’avançant sous le feu ennemi auprès de La Moncelle, et là, sur un point où s’élève aujourd’hui une croix commémorative, il est atteint d’un éclat d’obus. Le maréchal, ramené à Sedan, rencontre sur son chemin l’empereur, qui vient se montrer sur ce champ de bataille où il erre comme un fantôme. A six heures du matin, l’armée a perdu son chef, douloureusement frappé, et sauvé du moins par cette blessure presque heureuse d’une effroyable épreuve. Première crise dans la direction des affaires de la journée.

Si Mac-Mahon avait un plan, il l’emportait avec lui. Au fond, il n’en avait aucun sans doute, il recevait l’attaque sur les positions qu’il avait prises : c’est précisément pour se décider qu’il venait sur le terrain. Ducrot, à qui le maréchal faisait remettre le commandement, avait quant à lui ses idées arrêtées. Il avait le pressentiment des desseins de l’ennemi, qu’il soupçonnait de vouloir recommencer « son éternel mouvement de capricorne, » et il ne voyait d’autre moyen d’échapper à un désastre que de tentée de se frayer