recevait de son dépôt d’Afrique, la 3e régiment de zouaves ne remontait pas à plus de 1,200 hommes. — Le 5e corps n’avait pas débarqué complètement à Châlons avant le 20 août. Il n’avait pas perdu de monde au feu, il avait laissé une de ses brigades à Sarreguemines, une partie de ses bagages à Bitche, son moral un peu sur les chemins, et, sans avoir combattu, il était plus désorganisé que ceux qui avaient vu l’ennemi. — Le 12e corps, de nouvelle formation, destiné d’abord à Trochu, puis confié au général Lebrun, aide-de-camp de l’empereur, avait un noyau sérieux et solide, la division d’infanterie de marine, qui allait bientôt montrer sa valeur. Il avait de plus trouvé fort à propos trois régimens du 6e corps qui n’avaient pu passer pour atteindre Metz avec Canrobert. Le reste se composait de bataillons de marche sans instruction et sans esprit militaire. — Le 7e corps enfin, sauf la division Conseil-Dumesnil, qui avait suivi Mac-Mahon depuis Frœschviller, était encore à Belfort le 17 et le 18. On hésitait à le diriger sur Châlons par la ligne de Chaumont, qui pouvait n’être plus sûre ; il fallait le faire passer par Paris, et il ne rejoignait l’armée que le 21, peut-être même le 22, après un voyage en chemin de fer long et entrecoupé, funeste pour la discipline, fatigant pour les hommes et, pour les chevaux, qui arrivaient exténués.
Tout était ainsi, de sorte que cette armée, dont le ministre de la guerre parlait comme d’une force avec laquelle on pouvait tout entreprendre, n’existait pas le 18 ; elle se formait dans la confusion, elle arrivait à peine, avec les plus énergiques efforts, à être à peu près agglomérée, à demi réorganisée vers le 22. Elle comptait certes assez de braves gens pour aller courageusement au combat, s’il le fallait ; telle qu’elle était, avec ses incohérences et ses lacunes, avec ses corps rassemblés en toute hâte, avec ses soldats de toute provenance, en partie atteinte déjà d’un certain esprit de défiance et de désordre, pouvait-elle passer dès ce moment pour une véritable armée de campagne, d’opérations devant l’ennemi ? Redoutable question qui restait en suspens à Châlons !
Un autre élément de la situation, et non le moins grave pour la décision à prendre, était ce qui se passait à Metz. L’obscurité commençait à envelopper l’armée du Rhin. L’empereur avait à peine atteint Châlons qu’un voile semblait s’étendre sur les événemens de la Moselle. Bazaine se disait victorieux le 16 au soir, et même l’impératrice se servait de l’heureuse nouvelle pour convaincre le général Trochu de l’inopportunité de la retraite sur Paris. Trochu, un instant ébranlé, démêlait néanmoins la vérité ; « oui, disait-il à l’amiral Jurien de La Gravière en quittant l’impératrice, Bazaine est victorieux, et pourtant il est arrêté… » Le commandant de l’armée du Rhin était en effet arrêté le 16, il était encore plus arrêté et en