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d’âpreté que jamais : ils discutent sur le septennat, ils mettent même une hautaine ironie à lui dénier l’existence, et si le gouvernement s’avise de leur dire qu’ils abusent, que le septennat existe, que personne n’a le droit de le contester, c’est comme s’il ne disait rien, polémiques et manifestes recommencent le lendemain. Il faut en prendre un peu son parti ; tant que le problème de l’organisation constitutionnelle ne sera pas résolu, on en sera là, on croira toujours possible de surprendre la crédulité publique : légitimistes, bonapartistes, radicaux, empiriques de toute sorte, s’épuiseront en ardeurs factices, en subtilités, en démonstrations merveilleuses pour persuader à la France qu’elle est malade, bien malade, qu’eux seuls peuvent la sauver par la vertu magique de leur principe ou de leur recette.

Rien n’est plus clair, les légitimistes l’assurent, il n’y a que le roi, le vrai roi du drapeau blanc et de la vieille tradition, qui puisse résoudre toutes les difficultés et arrêter la France sur la pente de l’abîme où elle va s’engloutir un de ces jours. Sans le roi, tout est en péril ; il n’y a plus de temps à perdre, il faut que dès son retour l’assemblée se décide à ce grand acte de salut public. — Par contre, les bonapartistes ne sont pas moins formels en jurant leurs grands dieux, en prouvant par leur expérience qu’il n’y a pour nous sauver que l’appel au peuple, le plébiscite. À ce prix, nous redevenons « la grande nation, » — probablement la grande nation du mois de juillet 1870 ! Sinon, et c’est un homme sûr de son affaire, c’est M. Émile Ollivier qui le dit, « nous disparaîtrons comme nation dans les convulsions intestines ; nous ne conserverons plus comme individus que les séductions asiatiques des Athéniens de la décadence. » Voilà qui est positif. — À leur tour surviennent les radicaux, déclarant tout aussi solennellement à la France qu’il n’y a plus d’autre remède que la dissolution de l’assemblée, la proclamation définitive de la république, que sans cela tout est fini, on court à la guerre civile : de telle sorte que la France, ne pouvant évidemment donner raison à tout le monde, est toujours perdue dans un cas ou dans l’autre, si elle préfère le roi à l’empereur ou l’empereur au roi, ou la république, — même la république septennale, — à la royauté et à l’empire. Des prophètes, comme M. Du Temple et M. Émile Ollivier, se lèvent pour nous prédire notre sort. Si la catastrophe arrive, ce ne sera pas par leur faute, ils nous auront prévenus. La catastrophe prochaine, imminente, est à l’heure présente le dernier mot de toutes les polémiques et de toutes les lettres qu’on écrit. À ce compte, les étrangers n’auraient plus qu’à prendre acte de ces vaines déclamations, de ces témoignages passionnés ou intéressés rendus contre nous-mêmes, pour considérer la France comme une nation déchue, qui est au bout de son rôle, qui n’a plus désormais que le choix de la manière de disparaître. Et voilà l’œuvre de patriotisme que les partis accomplissent ! Ils commencent par diffamer le pays pour mieux le sauver ; ils ne se font faute de représenter sous