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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril 1874.

Au moment où nous sommes, il y a trois pays de l’Europe où la politique garde un certain caractère aigu, et par une curieuse coïncidence, ce sont les trois pays dont le nom s’est trouvé mêlé aux dernières tragédies continentales, — la France, l’Allemagne, l’Espagne. Pour la France, c’est une crise de convalescence au sortir des plus formidables épreuves ; pour l’Allemagne, c’est l’embarras, le trouble d’une croissance précipitée et violemment accomplie ; pour l’Espagne, c’est la difficulté même de vivre, éclatant dans une guerre civile qui arrive à son paroxysme. Pendant ce temps, l’Angleterre fête ses soldats et son général revenant de la campagne contre les Achantis. L’Italie vient de célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l’avènement du roi Victor-Emmanuel, mesurant avec une fierté tranquille du haut des collines de Rome le chemin qu’elle a parcouru depuis le jour où le souverain, qui est maintenant au Quirinal, ramassait la couronne dans les ruines sanglantes de Novare. L’Autriche-Hongrie met ordre à ses crises ministérielles à Pesth et à ses affaires confessionnelles à Vienne. La Russie n’a rien qui l’inquiète, pas plus dans son existence intérieure que dans ses relations diplomatiques. Ainsi va le train du monde européen, paisiblement pour les uns, laborieusement pour les autres, non sans une certaine préoccupation de l’avenir et de l’inconnu pour tous.

Cet avenir, l’avenir de demain, c’est certainement la première et la plus légitime des préoccupations de la France. Dans quelles conditions notre pays se fixera-t-il ? quelles institutions, quel gouvernement lui donnera-t-on ? L’assemblée, en prenant ses vacances jusqu’au mois de mai, n’a pas laissé la question fort avancée par les derniers débats et les derniers incidens de la session ; elle l’a livrée au contraire incertaine et obscure à la passion des partis, qui, dans le vide des vacances parlementaires, s’occupent à l’obscurcir un peu plus encore par d’assourdissantes polémiques. Oui, en vérité, c’est à cela que députés en congé et journalistes de l’orthodoxie monarchique passent leur temps avec plus