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qui lui avait donné le jour, Old-Virginia, la vieille Virginie. Dès le mois de février 1858, Finney avait découvert et claimé les affleuremens du filon de Comstock, alors appelé aussi de son nom Virginia, et que tout le monde regardait comme un filon de quartz aurifère analogue à ceux de Californie. Ceci explique, sans l’excuser, l’erreur de l’ingénieur français qui, deux ans après et malgré la découverte du mois de juin 1859, persistait à ne voir qu’un filon d’or dans la veine de Comstock. Les produits de cette veine allaient bientôt étonner le monde et dépasser tous ceux des mines jusque-là citées comme les plus riches, au Mexique, en Bolivie, au Pérou, au Chili. N’oublions pas toutefois que c’est plus encore à la loi des mines américaines, d’application si prompte puisque le premier venu peut marquer sur la partie inoccupée d’un filon 200 pieds linéaires pour en commencer sur-le-champ l’exploitation, que c’est plus encore à cette loi si libérale qu’à la richesse même de la veine argentifère de Comstock qu’est dû le prodigieux développement des entreprises dont nous allons maintenant parler. C’est ainsi que tout aura concouru, les œuvres de la nature comme celles des hommes, pour faire de cet étonnant pays de Nevada, inconnu hier, la région du globe aujourd’hui la plus productive en argent.


II. — LE PASSÉ ET LE PRÉSENT DE L’EXPLOITATION.

Ce fut un Californien, James Walsh, homme expérimenté, venu des riches placers de Grass-Valley, qui fit connaître le premier aux mineurs de Washoe la véritable valeur de leur veine, que jusque-là ils travaillaient assez grossièrement. A la fin de 1861, il envoya environ 5,000 kilogrammes de minerai à San-Francisco, et les vendit 4,500 dollars. Alors il acheta aux mineurs 1,800 pieds de filon au prix de 14 dollars le pied. Quelques mois plus tard, le pied de filon valait jusqu’à 1,000 dollars. Comment s’étonner après cela que la Californie presque tout entière ait fait dans le début irruption sur les nouvelles mines d’argent? « Il fallait voir, me disait un témoin oculaire, les premiers temps de Virginia-City. Nous allions tous par les rues de la ville mis comme des mendians. On prenait à peine le temps de se vêtir, de boire, de manger. On avait hâte, on courait, on allait sur les puits, dans les galeries, dans les excavations. Quand on se rencontrait, on ne se demandait point des nouvelles de sa santé; on ne parlait ni de la pluie ni du beau temps, comme il est d’usage entre gens bien élevés qui ont ensemble un peu de temps à perdre, même en Amérique; on ne causait que de filons, d’essais, de minerais d’argent. On allait nommer un nouveau président, la guerre civile allait peut-être éclater suivant le nom qui sortirait de