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pousse. Le soleil est un globe de feu qui tourne autour de la terre pour l’éclairer et la réchauffer ; sans lui, tout mourrait. Les éclipses ne les effraient point ; tout feu ne s’éteint-il pas et ne se rallume-t-il pas ? Le vent est produit par les coups d’aile d’un oiseau merveilleux que personne ne voit ; l’éclair, c’est le reflet du soleil sur ses ailes ; le tonnerre, le bruit de sa voix. Quand l’air est calme, c’est que l’oiseau est satisfait. C’est dans les étoiles et la lune que sont les prairies heureuses où l’homme en mourant émigré pour recommencer une autre vie ; c’est pourquoi chez les Indiens on n’enterre jamais les corps, mais on les ensevelit en plein air, quelquefois au milieu des branches d’un arbre, et cela pour que le départ de l’âme se fasse plus commodément.

Il serait hors de propos de nous étendre ici davantage sur les coutumes et les croyances des Peaux-Rouges, qui souvent varient d’une nation à l’autre ; nous ne nous arrêterons pas surtout à relever toutes les erreurs qui ont cours sur leur compte. Le Peau-Rouge, fatigué d’être questionné, souvent répond affirmativement à tout ce qu’on lui demande, si bien que les uns ont cru pouvoir faire venir l’Indien, d’après ses prétendues traditions mêmes, d’Europe, voire du pays de Galles, les autres d’Asie, au temps de la dispersion des tribus d’Israël. Comment les traditions de ce peuple seraient-elles positives dans des questions aussi délicates, quand nous sommes si peu fixés nous-mêmes sur nos origines ? Cependant nous avons plus de deux mille ans de traditions écrites, quand les Peaux-Rouges n’ont encore pour toute écriture qu’une grossière représentation de la pensée par un dessin tout à fait primitif, ce qu’on a nommé l’écriture pictographique, sur laquelle les hiéroglyphes des Égyptiens sont déjà un incommensurable progrès.

L’origine des Indiens prêtera toujours à controverse. Cette race est-elle venue d’Asie par le détroit de Behring ou le courant marin du Japon, et s’est-elle épanchée de là dans les deux Amériques, comme le veulent la plupart des ethnologistes, partisans de l’unité de l’espèce humaine, qui s’autorisent surtout pour appuyer leur assertion des caractères crâniologiques de la race rouge : pommette saillante, œil oblique, etc., — ou bien cette race est-elle un produit indigène, le fait d’une apparition spontanée, comme le prétendent d’autres naturalistes, par exemple le regrettable Agassiz, ce défenseur si résolu de la fixité des espèces ? Le problème est peut-être insoluble. Pour nous, il nous paraît évident que le Peau-Rouge est en quelque sorte le produit du sol qu’il habite, un homme primitif qui n’a pas progressé, et qu’il a pris naissance dans les prairies avec l’animal primitif des prairies, le bison ou le bœuf sauvage américain, ce frère de l’urus d’Europe qu’ont chassé les Germains et les Celtes.