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L’HIVER AU JAPON

UNE EXCURSION A NIKKO.

S’il faut en croire un dicton japonais, « qui n’a pas vu Nikko ne peut dire nekko (merveilleux). » Désirant depuis longtemps m’assurer de la véracité du proverbe et étudier les mœurs hivernales de l’extrême Orient, je résolus de consacrer à une excursion à Nikko les loisirs que le renouvellement de l’année apporte ici, comme partout, à tous les fonctionnaires. J’avais assisté l’an passé aux réceptions officielles dans le palais du Tenno, et vu de près le descendant des dieux, celui qu’on ne pouvait jadis regarder en face sans crime de lèse-majesté; j’allais cette année contempler les monumens superbes élevés aux anciens shiogouns, car Nikko est le Saint-Denis ou le Panthéon du Japon. C’est là que les efforts de l’art unis aux merveilles de la nature ont fait aux grands hommes des tombeaux dignes d’abriter leurs dépouilles.

Une route directe y conduit, belle, il est vrai, mais triste et monotone; je choisis de préférence un chemin infiniment plus long, qui, suivant les contours du bassin du Tonégawa, traverse une contrée accidentée, très variée, et très peu connue. C’était bien l’hiver que j’allais rencontrer dans les montagnes, car le 24 décembre, jour de mon départ de Yeddo, le thermomètre marquait — 2 degrés. La route jusqu’à Tomyoka est celle que j’avais suivie au mois d’août pour me rendre à l’Asamayama<ref> Voyez, dans la Revue du 15 janvier, un Voyage dans l’intérieur du Japon. </<ref>. A partir de Tomyoka, le paysage offre un aspect assez vulgaire, des champs bordés de mûriers, taillés court et entourés de torons de paille. De temps en temps, sur