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april’s showers des Anglais, lune rousse, saints de glace du mois de mai, etc., caractérisent cette situation.

Au milieu des incertitudes et des tâtonnemens inséparables d’une étude aussi difficile que celle des mouvemens atmosphériques, qui dépendent de tant de causes complexes, nous devons nous attacher à dégager les grands faits généraux des faits secondaires qui tendent à les masquer ou à les défigurer. La marche et les variations des isobares semblent être le fil d’Ariane qui nous guidera dans ce labyrinthe. D’après cette méthode de prévision, le météorologiste ressemble à une vigie qui, placée de façon à pouvoir embrasser d’un seul coup d’œil le cours d’un fleuve capricieux, coulant entre des rives plates et indécises, serait en mesure de constater le sens dans lequel le déplacement du courant va se produire et par suite de signaler aux riverains le sort qui leur est réservé; malheureusement la distance à laquelle sa vue peut s’étendre est encore trop bornée : il doit désirer avant tout l’agrandissement du champ de sa vision. Nos cartes de météorologie synoptique ne comprennent guère que l’Europe, et il nous arrive souvent d’être dans la situation d’un observateur qui, l’œil fixé à l’oculaire d’une lunette immobile, étudierait un objet trop grand pour le champ de son instrument. Tous nos vœux doivent donc tendre au développement et au perfectionnement de notre système d’informations par voie télégraphique.

Est-ce à dire cependant que la méthode qui vient d’être exposée soit la seule qui puisse conduire à des prévisions du temps? Nous sommes loin de le prétendre. Le problème est attaqué sur plusieurs points et par des méthodes très diverses. Ainsi M. Renou a signalé la période quarantenaire qui sépare l’apparition des grands hivers et annoncé l’hiver si rigoureux de 1870 comme un retour de 1830 et de 1789. De son côté, M. Charles Sainte-Glaire Deville, en partant d’un point de vue tout différent du mien, a pu annoncer à l’Académie des Sciences avec une précision très remarquée ce retour offensif de l’hiver qui a signalé la première quinzaine de mars. L’étude des isobares m’avait conduit, dans ce dernier cas, à une prévision identique[1]. La concordance des résultats obtenus par des méthodes dont le point de départ est si différent fait espérer que le problème de la prévision du temps pourra recevoir quelques heureuses solutions partielles, au grand avantage de l’agriculture, de la navigation et du commerce, — ajoutons aussi, au grand avantage de la météorologie elle-même, qui pourra ainsi acquérir à la reconnaissance publique les titres sérieux qui lui manquaient encore.


F. MAURICE DE TASTES.

  1. Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, séance du 9 mars 1874.