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très impropre qui tend à consacrer une idée fausse, à savoir que cet air descend du pôle, et qui laisserait supposer que l’ancienne théorie des outres d’Eole a encore des partisans.

Ce courant prétendu polaire n’est autre chose que le courant de retour de l’équatorial, que son excursion à travers des contrées de haute latitude a transformé au point de le rendre méconnaissable. Nous l’avions laissé tiède et humide, nous le retrouvons froid, sec, quelquefois chargé de frimas; on comprend que beaucoup de météorologistes se soient refusés à le reconnaître. Après avoir traversé l’Egypte et assuré pendant la plus grande partie de l’année la remonte du Nil par les embarcations à voile[1], après s’être infléchi vers l’ouest par suite de l’influence de la rotation du globe, et avoir traversé les immenses déserts dont la stérilité est en grande partie son œuvre, reparaît-il sous forme de vent de nord-est sur la côte occidentale de l’Afrique? Est-ce bien lui qui, sous le nom d’alizé, va rejoindre la région des calmes équatoriaux, c’est-à-dire son point de départ, et compléter ainsi un immense circuit? Cela est hautement probable, mais ne peut pas être considéré comme démontré tant que, du désert libyque aux côtes du Sahara, aucune source régulière d’information ne nous permettra de tracer des isobares et de vérifier la direction supposée du mouvement atmosphérique. Bornons-nous donc à constater, sinon l’existence d’un vaste fleuve aérien formant un circuit complet, au moins celle d’un circuit partiel dont nous connaissons les parties occidentale, septentrionale et orientale. L’existence de la première et de la dernière est admise par tout le monde ; mais on les croyait indépendantes et juxtaposées à la surface de l’Europe. Les choses n’ont pas ce degré de simplicité, peu compatible avec les allures des masses fluides en mouvement. — Nous avons dans les eaux de l’Atlantique un système de circulation bien connu, et qui doit nous ouvrir les yeux sur le véritable système de la circulation atmosphérique. Le gulf-stream se dirige du golfe du Mexique vers l’Europe. La configuration des continens le force de se diviser en deux branches, l’une qui pénètre jusque dans la Mer-Glaciale, l’autre qui redescend vers le sud en côtoyant l’Europe et l’Afrique, et vient sous la ligne compléter un vaste circuit au centre duquel se trouve comprise cette grande étendue d’eau sans courant que l’on désigne sous le nom de Mer de sargasse. Le circuit aérien possède aussi, et ne peut pas ne pas

  1. L’existence d’une navigation à voile sur un fleuve est une preuve évidente que le vent régnant de la contrée est directement opposé au courant de ce fleuve. Il suffit de voir dans le Bas-Nil les longues antennes des dahabiehs pour être averti que le vent du nord est le vent dominant de l’Egypte ; de même les chalands de la Loire, entre Nantes et Orléans, témoignent de la prédominance des vents d’entre sud et ouest.